mercredi 22 décembre 2010

Déclaration de Ghislaine Joachim Arnaud

PROCES DU 15 DECEMBRE 2010
Déclaration de Ghislaine Joachim Arnaud
Madame, Messieurs, du Tribunal,
L’objet de ce procès nous ramène en fin de compte aux événements qui ont marqué la Martinique en 2009, c'est-à-dire à la grève générale ! Car au delà de l’accusation portée contre moi par M Hayot, ce procès est une sorte de prolongement, sur le plan judiciaire, du grand conflit social qui a marqué l’année 2009.
Ce qui m’est reprochée c’est d’avoir été en février-mars, en tant que responsable du K5F, la porte parole de ces milliers de militants, de travailleurs, l’une des voix de cette unité retrouvée du mouvement syndical porteur, pendant 38 jours, de tous les espoirs de ce peuple en mouvement.
Les travailleurs, les femmes, les jeunes, les retraités manifestaient chaque jour contre la cherté de la vie, contre les bas salaires, le chômage des jeunes, pour la revalorisation des minima sociaux etc.….Les revendications étaient formulées dans la plateforme du Collectif.
Je ne rajouterai rien de plus sur ce contexte particulier qui a montré toute la volonté de la population de voir un changement de sa situation.
Alors, qu’importent les accusations de M Hayot, et sa volonté d’ inverser les rôles : se faisant passer pour victime, alors que les seules victimes depuis bien longtemps de l’arrogance, de l’oppression et du racisme de certains gros propriétaires gros patrons et planteurs issus du milieu béké ce sont les travailleurs, la couche majoritaire de la population issue d’une histoire que personne ne peut changer et qui a perpétué des rapports de maitre à esclave en rapport de patrons à salariés, tels que nous les vivons aujourd’hui.
Dire cela, n’est pas sans intérêt pour comprendre ce qui, pour moi, est en jeu dans ce procès ! Il est évident que ce n’est pas le soi-disant préjudice de mon supposé racisme, qui a motivé la plainte de Mr Hayot ; mais le rôle social et syndical que j'ai joué dans la grève de 2009. Ce qui a motivé M Hayot et les gens appartenant à tout un milieu de gros possédants, de privilégiés, c’est ce qu’ils ont vécu et ressenti lors de ces journées de manifestation et de grève de 2009 !
  A l’évidence, l’accusation dont je fais l’objet, est fallacieuse
Oui ! La motivation de l’accusation est abusive et fallacieuse. Et je tiens à dire d’emblée, que ce n’est pas à moi, ni à quiconque de la population laborieuse qui se bat pour mieux vivre, être mieux traité de ses patrons, à démontrer notre non-racisme. C’est à ceux de la classe dominante, à ceux qui exploitent, qui licencient comme bon leur semble, à ceux qui imposent des conditions de travail inacceptables dans leurs entreprises, à ceux qui dictent leur loi, même aux gouvernants. (Rappelons-nous l’intervention de certains békés auprès du gouvernement, lors des grèves de 2009 pour en finir avec le ministre Yves Ego et les accords qui semblaient en bonne voie d’être signés en Guadeloupe en début Février)
C’est à tous ceux là de faire la preuve de leur non - mépris, de leur non - oppression, de leur souci de justice et d’équité, etc. Mais pas à nous !
Les victimes de l’exploitation se battent pour leur mieux être, mais face à l’Etat qui est le plus souvent du côté des gros patrons, avec ses forces de répression et ses institutions, elles n’ont que peu de moyens à leur disposition : grève, manifestations, blocage de routes, chants , slogans etc.…On a vu cette collusion de l’Etat avec les gros patrons en Février 2009, lorsqu’à la suite de la démonstration manquée en 4X4 et engins agricoles contre les grévistes. Des militants, des jeunes, des membres de la population, se sont retrouvés pris au piège, cernés à la Maison des Syndicats et dans le quartier du Morne Pichevin arrosés par des jets de grenades lacrymogènes, provenant d’un hélicoptère.
On la voit encore aujourd’hui face aux grévistes de M. Bricolage qui se font délogés avec violence lorsqu’ils sont mobilisés face à l’arrogance et au mépris du patron du Groupe Bernard Hayot.
Alors oui ! Il est parfaitement scandaleux que l’un de ceux qui se situe dans le camp des dominants, viennent se plaindre que les victimes résistent, se rebellent, n’acceptent pas ! C’est trop facile d’accuser ces victimes et d’accuser ceux qui luttent à leurs cotés, de racisme, de violence et pourquoi pas de vouloir « tuer l’économie martiniquaise » !
Pour ces gros patrons un bon salarié est un salarié qui ne fait jamais grève et qui accepte tout jusqu’à mourir dans la pauvreté et le dénuement, après des années de bons et loyaux services, pour faire fructifier le capital de la minorité béké ou autres !
Eh bien non ! Çà aussi çà change !
Les travailleurs n’acceptent plus d’être des victimes consentantes ; et à l’approche de menaces encore plus grandes pour leur situation dues à une crise économique qui est loin d’être terminée, Les salariés ont décidé de se battre et de se donner les moyens de riposter et de ne pas être réduits au strict minimum vital, mais surtout de ne pas être poussés à la déchéance physique et morale ! Nous n’acceptons pas cela et nous aurons l’occasion de faire d’autres 2009, n’en déplaise à M. Hayot et à tous ceux de la classe des gros possédants !
Les békés, nous dit-on ici et là, ne possèdent pas toute l’économie de la Martinique ! Mais qui ne le sait pas ?
Il est vrai que même si M. Bernard Hayot du groupe GBH est la 146 ème fortune de France, il est encore bien loin derrière les gros propriétaires et actionnaires de la grande distribution comme Carrefour-Promodès, des TOTAL, Bouygues, BNP-Paribas, et autres propriétaires de grosses fortunes … qui sévissent ici.
Nous savons bien aussi que certains de nos exploiteurs sont eux-mêmes descendants d’esclaves noirs ou encore d’émigrés chinois. Les Lancry, Parfait et autres HO HIO HEN, sont aussi connus comme ayant bâti leur fortune sur la sueur, l’usure, l’exploitation et le mépris de centaines de salariés, et la pwofitation sur la population en pratiquant des marges démesurées sur les articles de la vie courante.
C’est contre tous ceux là que nous appelons les salariés et les pauvres à se battre ! Alors je le répète, nous faisons une distinction de classe et non de race !
Nous appelons nos frères et sœurs de classe, les exploités, les travailleurs salariés, les démunis et les petits des campagnes, des quartiers, à faire bloc dans la lutte pour mettre hors d’état de nuire cette classe capitaliste qui ne prospère qu’au détriment de notre travail, en s’appropriant la plus grande part de ce que nous produisons !
Les masses qui manifestaient avaient raison de traiter les capitalistes, le gros patronat, de voleurs !
N'oublions pas ce qu’a dit un jour un économiste et philosophe du 19 ème siècle : « la propriété, c’est le vol » ! C’est encore vrai aujourd’hui !
Oui ! Nous revendiquons cette opinion : les exploiteurs sont des voleurs, voleurs de notre travail, voleur de notre énergie créatrice, voleur de notre vie à petit feu, un peu chaque jour et sur une toute une vie de travailleur qui ne sert qu’à les enrichir !
Le mot « béké » qui est au centre du propos qui m’est reproché, dans sa version sociale et économique, et cela tout le monde le sait en Martinique, et Guadeloupe, est l’équivalent de patron.
Il n’y a pas de race béké, il n’ya pas d’ethnie békée, c’est bien la fonction et la position sociale qui est ainsi désignée ; attaquer une « bande de békés voleurs et exploiteurs » c’est attaquer ce qu’ils représentent, et ce qu’ils font, à ce double titre !
Le racisme, ne vous méprenez pas, dans notre région il a toujours été l’idéologie des maitres qui pendant plus de 300 ans l’ont utilisé, afin de reproduire ce même système abominable de domination.
Oh ! certes bien des choses ont changé depuis la fin du 19 è siècle et début 20ème, il serait aujourd'hui plus compliqué d’assassiner un Aliker ou de fusiller comme au François des dizaines de grévistes en leur tirant dans le dos, période durant laquelle les troupes de l’état étaient purement et simplement à la disposition de grands propriétaires békés !
Les risques pour les assassins seraient très grands aujourd’hui de payer cher leurs crimes ! Ils le savent et l’Etat, très prudent en Février-Mars 2009, le sait aussi !
Et c’est cela qui en 2009 a fait enrager certains gros békés (ceux de la bande de békés profiteurs, voleurs » donc, encore une fois, pas tous les békés !
C’est cela qui les a motivés à chercher des voies et moyens de revanche !
Revenons encore à cette accusation de « racisme « ! Qui est ou n’est pas, raciste en Martinique !
Qui a mené sa vie, construit ses maisons dans des zones complètement à part de la population noire ou métis ? Qui a son ghetto de Blancs vers Cap Est ! Qui a dit qu’il fallait préserver sa race, autrement dit se tenir à l’écart de toute vie sociale et culturelle au sein de la population majoritaire ???
M. Hayot sait fort bien tout cela et je doute fortement que sa réaction de me traduire devant le tribunal ait été motivée par un sentiment quelconque d’humiliation raciste qu’il aurait subie de ma part !
 Non, monsieur Hayot !
Tous les Békés ne sont pas des voleurs et des exploiteurs, j’en ai connu dans ma vie qui étaient des camarades de travail et de militantisme à la CGTM. Il faudrait être stupide pour penser que tous les Békés de Martinique ont aussi le même niveau de fortune que M. Bernard Hayot, celui qu’on désigne comme le chef de file des Békés riches de la Martinique, 146ème fortune de France et probablement le plus riche des Martiniquais !
Que M. Hayot ait pris pour lui et pour tous les Békés une formule lapidaire, lancée par des dizaines de milliers de manifestants, à l’encontre, non pas des Békés mais d’une « bande de Békés voleurs et exploiteurs », c’est son affaire !
Le peuple, les masses travailleuses ont plus le sens de la justice et du respect, que ceux qui les exploitent quotidiennement. Leur sagesse se situe bien, dans la formule incriminée qui ne dit pas « Jetez les Békés dehors » ou bien « Békés dehors». Ils disent qu’ils ne veulent plus être exploités par « une bande de Békés volè é exploitè ». Ils n’en ont pas après tous les Békés mais, avec raison, ils en ont après ceux-là. 
Je remarque encore que M Hayot est sensible à mon supposé racisme et à celui des manifestants, mais il est aveugle concernant un racisme vieux de plusieurs siècles qui perdure et qui prend même la
forme d’un racisme officiel ! Et qui crève pourtant les yeux en Martinique quand on regarde de bas en haut la hiérarchie économique, sociale et administrative !
Plus on monte dans cette hiérarchie, moins il y a de Noirs, d’Indiens ou de Métis dans les postes de direction des entreprises privées ou même des administrations publiques ! A tel point qu’Aimé Césaire lassé et écœuré de cette situation avait dénoncé ce qu’il appela le « génocide par substitution », afin de pousser la majorité du peuple martiniquais à réagir contre ce racisme officiel !
Je voudrais revenir sur un événement qui s’est produit pendant la grève générale, le vendredi 6 mars 2010, c’est l’incident qui a amené des contre-manifestants organisés par un petit groupe de planteurs Békés afin de venir lever les barrages tenus par les grévistes.  
C’était une initiative déraisonnable et irresponsable. On a vu des dizaines de tracteurs et autres engins agricoles lourds suivant plusieurs 4X4 conduits par des planteurs békés tenter de traverser la ville pour, disaient-ils, aller à la préfecture faire pression sur le préfet afin qu’il se montre plus actif dans la répression contre les grévistes. Mais pour accomplir un tel projet, il fallait traverser différents quartiers, routes, carrefours, tenus par des barrages de grévistes. Et effectivement au niveau de Trémelle, l’inévitable se produisit, l’affrontement direct eut lieu. Mais malgré l’importance de leur matériel et de leurs troupes, cette contre-manifestation dirigée par quelques planteurs Békés connut un échec retentissant et certains durent abandonner 4X4 et matériel pour fuir la vindicte populaire.  
Sans doute déstabilisés après l’échec de leur manifestation « prise d’otage de Fort de France », ils ont craint d’être les victimes de leur propre mise en scène. C’est seulement après cela qu’ils ont déclaré que le mouvement social était « un mouvement communautaire et anti-blanc ».
Si j’insiste sur cet événement, c’est pour montrer à quel point certains békés ont soif de revanche et voudraient au moins sur le plan judiciaire nous faire payer les mauvais moments qu’ils ont passés lors de la grève générale.
Ils n’en sont d’ailleurs pas à leur première tentative ! 
Ils se sont tous ou presque, fendus de déclarations pour tenter de justifier leur situation et leur position dans la société, dans l’économie en Martinique : Beaudoin-Lafosse-marin ; Roger De Jaham ; Stéphane Hayot ; Eric et Jean Louis- De Lucy, pour ne citer que ceux-là.
Cette posture a même été interprétée par des journalistes de l’hexagone, de mouvement de panique !
Il faut souligner le zèle de ces békés –là, à assimiler le mouvement social comme étant un fléau pour la Martinique, zèle qui a poussé dans un premier temps les Hayot, Fabre, Huygues- Despointes, Aubéry, De Gentile, entre autres, à déposer 34 requêtes devant le Tribunal administratif, en reprochant au préfet de Région, représentant de l'Etat, de ne pas être intervenu pour libérer les nombreux barrages érigés par les grévistes du K5F aux abords des zones industrielles et commerciales.
Puis, après la fin du mouvement de Février 2009, ils ont procédé à des licenciements en cascades dans les entreprises et ont alors tenté d’accuser ensuite le K5F et le mouvement social de nuire à l’économie, … et aux salariés !
Alors qu’une bonne partie des difficultés des entreprises étaient liées, et cela tout le monde le sait, à la crise financière qui avait commencée deux années plutôt aux Etats-Unis.
Depuis un mois se déroule un conflit dans une grande surface de bricolage du Lamentin.
A la lecture du bilan de cette société, les résultats s’élèvent à 1.5 million d’euros. Un million a été distribué aux actionnaires, le solde est destiné selon la direction à financer la construction de l’accès de la future enseigne « Décathlon », propriété du même groupe.
Forts de ces résultats, le personnel composé en grande majorité de jeunes en situation de premier emploi, et de précaires, a légitimement réclamé la part qu’il pensait lui être dû.
C’est la somme de 10 euros au 01 avril, et une autre de 05 euros au 01 décembre, qu’il lui a été royalement proposé !!!
10 euros et 05 euros dans une entreprise florissante qui a distribué 2.9 millions d’euros à ces actionnaires sur les trois derniers exercices !!!
Mais si les résultats n’avaient pas été de ce niveau, combien aurait-on proposé à ces salariés ? !!
Nous savons tous à qui appartient cette entreprise.
Et c’est moi que certains accusent d’incitation à la haine en Martinique ?
Devant de telles pratiques, certains font mine de s’étonner des réactions de ces salariés. Bien souvent ce sont les mêmes qui s’étonnaient des réactions des jeunes qui s’étaient exprimés dans les rues de Fort de France durant la nuit du mardi 24 au mercredi 25 février 2009.
Rappelez-vous du flot de condamnations et de commentaires impitoyables à l’adresse de ces jeunes qui avaient osé exprimer à leur façon, leur désespoir en lançant un véritable cri d’alarme. Entretemps, ils sont retournés dans leurs squats, ou chez leurs parents, toujours désœuvrés, et désargentés. Pourtant on leur avait dit, faites des études et vous trouverez du travail,… suivez ce stage de formation et vous trouverez un emploi, …
Près de deux années après ces évènements, où en sont-ils ? Que leur a-t-on proposé ? Quelles perspectives ? Quels débouchés ?
Tout comme ceux de la grande surface de bricolage, certains avaient trouvé de quoi survivre, pensaient-ils, grâce aux contrats aidés. Sans aucune forme d’avertissement, sans aucune information directe, l’Etat a décidé de les priver de tout revenu.
Du jour au lendemain, leurs employeurs se sont retrouvés privés de tous moyens financiers leur permettant de les maintenir en activité !!
D’un coup d’un seul, plusieurs milliers de salariés, jeunes et femmes en majorité, se sont ainsi retrouvés subitement à la rue !!!
Depuis le début de ce conflit, la direction de ce groupe refuse toute négociation. Les forces de répression casqués et armés interviennent régulièrement avec violence contre ces jeunes salariés, y compris dans les locaux de la Direction du travail.
Et c’est moi que certains accusent d’incitation à la violence en Martinique ?
Que dire alors de la situation de tous ces anciens salariés, aujourd’hui retraités, contraints à vivoter avec des pensions de misère après qu’ils aient été sciemment sacrifiés sur l’autel du profit par leurs employeurs dans les plantations de banane à travers l’utilisation du chlordécone et autres pesticides?
Que dire de l’existence même de ces milliers de travailleurs, jeunes et moins jeunes, privés d’emploi, des personnes souffrant d’un handicap, réduits à percevoir des minimas sociaux, et ce sans aucun espoir de revalorisation de leur revenus ?
Encore une fois, qui incite à la haine et à la violence ici ?-
Mme, Messieurs les juges !
Vous ne pouvez pas juger en ignorant ou en faisant abstraction du contexte historique et social particulier le la Martinique.
Je le redis ! Entre la majeure partie de la population laborieuse et ceux qui dominent plantations, grandes surfaces, import-export, hôtellerie, dans ce pays, il y a de vieux comptes à régler, il y a un contentieux qui est loin d’être apuré.
Les arrières grands parents de MM. Hayot, Aubéry, Despointes etc … étaient les propriétaires des arrières grands parents de ceux qui étaient dans la rue en février 2009. Et concernant ce compte là, à plusieurs niveaux, rien n’est encore réglé.
Aujourd’hui, c’est moi Ghislaine JOACHIM-ARNAUD, qui suis devant ce tribunal, pour des propos tenus et repris par des milliers de travailleurs, mais qui de plus constituent le fond de la pensée de l’écrasante majorité de la population martiniquaise, quant à leurs relations avec un petit groupe de gros et moyens patrons désignés sous le nom de Békés !
Je persiste à dire que les travailleurs ont raison de répondre à l’exploitation, aux injustices, au mépris, qu’ils subissent dans certaines entreprises, aux mauvaises conditions de travail, aux bas salaires. Ils ont raison de répondre par la lutte, comme ils l’ont fait en 2009, et comme le font ceux de M. Bricolage aujourd’hui.
Que M. Hayot, et tous ceux qui le soutiennent dans le camp patronal, ne se fassent aucune illusion sur les effets de leur tentative d’intimidation judiciaire ! 
Bien loin de nous faire peur, elle a eu surtout pour effets d’élargir l’audience de nos propos et de faire connaitre encore plus largement les buts et les idées des militants syndicalistes et communistes révolutionnaires dont je me réclame.
Que tous ces gens là sachent, que je porte trop bien en moi, toute la fierté de ce que je suis, et de mon combat, pour croire que l’épisode actuel m’affectera en quoi que ce soit.
Je me bats, pour qu’un jour, le monde entier soit débarrassé, non seulement de la « pwofitation » et de l’exploitation, mais aussi de ses corollaires, tels le racisme, et toutes les formes d’oppression et d’injustices qui caractérisent cette société.
Monsieur Hayot, en me traduisant devant le tribunal, a rendu un service – certes involontaire - à la cause que je défends !
En effet, depuis plusieurs semaines, des centaines et des centaines de travailleurs, de militants, de jeunes, ont discuté, réfléchi, se sont réunis, ont distribué des milliers de tracts, bref, se sont mobilisés non pas pour ma défense, mais pour leur dignité, car je ne me sens nullement coupable dans ce procès !
Bien au contraire, je me sens mobilisée pour venir ici porter la seule accusation qui est juste, contre ceux du gros patronat qui estiment avoir un droit divin d’extorquer aux salariés l’essentiel des fruits de leur production, de disposer de ces salariés comme d’ accessoires jetables, les embauchant et les licenciant comme bon leur semble ! 
Mais justement, la grève de 2009 a eu le mérite de poser un problème même s’il ne l’a pas résolu. Celui de notre refus de laisser une bande de Békés exploiteurs et voleurs, d’origine diverse, y compris, ceux issu de la population même qui fut esclave ici, celui de notre refus de les laisser faire ce qu’ils veulent dans ce pays.
Il est temps pour nous, classe laborieuse et populaire de décider nous-mêmes de ce qui est conforme à nos besoins et de contraindre les exploiteurs à agir dans ce sens ou à nous laisser la direction des entreprises et de la société ! Nous saurons quoi en faire !
Pour finir, face à l’accusation de racisme dont je suis l’objet, j’aimerai rassurer les rares békés qui douteraient de mon humanisme !
Il est celui des militants communistes révolutionnaires, de syndicalistes qui veulent construire une autre société où la morale dominante ne sera pas la morale du compte en banque et de l’âpreté au profit !
Je suis profondément convaincue que notre humanisme est supérieur à celui des exploiteurs békés, européens, chinois, indiens noirs ou autres !
Car pour moi, à l’instar d’un historien haïtien « la haine n’a jamais rien créé »
Notre humanisme, c’est celui qui veut fonder les libertés sur la mise à disposition des êtres humains de toutes les ressources qu’ils créent et non le maintien de la domination sur la société d’une petite minorité d’extorqueurs, de profiteurs, d’usurpateurs que les masses en lutte ont désigné sous le nom de "bande de békés voleurs et profiteurs",  autrement dit tous ces gros capitalistes qui sucent le sang du peuple travailleur pour faire grandir leur fortune ! 
Cependant, force est de reconnaitre que mon accusateur a fait œuvre utile, même si c’est à partir d’une mauvaise foi évidente, en un sens il a fait avancer notre combat, comme dit le proverbe créole : kod yanm ka maré yanm ! L’igname s’entortille avec ses propres lianes !

PROCES DU 15 DECEMBRE 2010
Déclaration de Ghislaine Joachim Arnaud
Madame, Messieurs, du Tribunal,
L’objet de ce procès nous ramène en fin de compte aux événements qui ont marqué la Martinique en 2009, c'est-à-dire à la grève générale ! Car au delà de l’accusation portée contre moi par M Hayot, ce procès est une sorte de prolongement, sur le plan judiciaire, du grand conflit social qui a marqué l’année 2009.
Ce qui m’est reprochée c’est d’avoir été en février-mars, en tant que responsable du K5F, la porte parole de ces milliers de militants, de travailleurs, l’une des voix de cette unité retrouvée du mouvement syndical porteur, pendant 38 jours, de tous les espoirs de ce peuple en mouvement.
Les travailleurs, les femmes, les jeunes, les retraités manifestaient chaque jour contre la cherté de la vie, contre les bas salaires, le chômage des jeunes, pour la revalorisation des minima sociaux etc.….Les revendications étaient formulées dans la plateforme du Collectif.
Je ne rajouterai rien de plus sur ce contexte particulier qui a montré toute la volonté de la population de voir un changement de sa situation.
Alors, qu’importent les accusations de M Hayot, et sa volonté d’ inverser les rôles : se faisant passer pour victime, alors que les seules victimes depuis bien longtemps de l’arrogance, de l’oppression et du racisme de certains gros propriétaires gros patrons et planteurs issus du milieu béké ce sont les travailleurs, la couche majoritaire de la population issue d’une histoire que personne ne peut changer et qui a perpétué des rapports de maitre à esclave en rapport de patrons à salariés, tels que nous les vivons aujourd’hui.
Dire cela, n’est pas sans intérêt pour comprendre ce qui, pour moi, est en jeu dans ce procès ! Il est évident que ce n’est pas le soi-disant préjudice de mon supposé racisme, qui a motivé la plainte de Mr Hayot ; mais le rôle social et syndical que j'ai joué dans la grève de 2009. Ce qui a motivé M Hayot et les gens appartenant à tout un milieu de gros possédants, de privilégiés, c’est ce qu’ils ont vécu et ressenti lors de ces journées de manifestation et de grève de 2009 !
  A l’évidence, l’accusation dont je fais l’objet, est fallacieuse
Oui ! La motivation de l’accusation est abusive et fallacieuse. Et je tiens à dire d’emblée, que ce n’est pas à moi, ni à quiconque de la population laborieuse qui se bat pour mieux vivre, être mieux traité de ses patrons, à démontrer notre non-racisme. C’est à ceux de la classe dominante, à ceux qui exploitent, qui licencient comme bon leur semble, à ceux qui imposent des conditions de travail inacceptables dans leurs entreprises, à ceux qui dictent leur loi, même aux gouvernants. (Rappelons-nous l’intervention de certains békés auprès du gouvernement, lors des grèves de 2009 pour en finir avec le ministre Yves Ego et les accords qui semblaient en bonne voie d’être signés en Guadeloupe en début Février)
C’est à tous ceux là de faire la preuve de leur non - mépris, de leur non - oppression, de leur souci de justice et d’équité, etc. Mais pas à nous !
Les victimes de l’exploitation se battent pour leur mieux être, mais face à l’Etat qui est le plus souvent du côté des gros patrons, avec ses forces de répression et ses institutions, elles n’ont que peu de moyens à leur disposition : grève, manifestations, blocage de routes, chants , slogans etc.…On a vu cette collusion de l’Etat avec les gros patrons en Février 2009, lorsqu’à la suite de la démonstration manquée en 4X4 et engins agricoles contre les grévistes. Des militants, des jeunes, des membres de la population, se sont retrouvés pris au piège, cernés à la Maison des Syndicats et dans le quartier du Morne Pichevin arrosés par des jets de grenades lacrymogènes, provenant d’un hélicoptère.
On la voit encore aujourd’hui face aux grévistes de M. Bricolage qui se font délogés avec violence lorsqu’ils sont mobilisés face à l’arrogance et au mépris du patron du Groupe Bernard Hayot.
Alors oui ! Il est parfaitement scandaleux que l’un de ceux qui se situe dans le camp des dominants, viennent se plaindre que les victimes résistent, se rebellent, n’acceptent pas ! C’est trop facile d’accuser ces victimes et d’accuser ceux qui luttent à leurs cotés, de racisme, de violence et pourquoi pas de vouloir « tuer l’économie martiniquaise » !
Pour ces gros patrons un bon salarié est un salarié qui ne fait jamais grève et qui accepte tout jusqu’à mourir dans la pauvreté et le dénuement, après des années de bons et loyaux services, pour faire fructifier le capital de la minorité béké ou autres !
Eh bien non ! Çà aussi çà change !
Les travailleurs n’acceptent plus d’être des victimes consentantes ; et à l’approche de menaces encore plus grandes pour leur situation dues à une crise économique qui est loin d’être terminée, Les salariés ont décidé de se battre et de se donner les moyens de riposter et de ne pas être réduits au strict minimum vital, mais surtout de ne pas être poussés à la déchéance physique et morale ! Nous n’acceptons pas cela et nous aurons l’occasion de faire d’autres 2009, n’en déplaise à M. Hayot et à tous ceux de la classe des gros possédants !
Les békés, nous dit-on ici et là, ne possèdent pas toute l’économie de la Martinique ! Mais qui ne le sait pas ?
Il est vrai que même si M. Bernard Hayot du groupe GBH est la 146 ème fortune de France, il est encore bien loin derrière les gros propriétaires et actionnaires de la grande distribution comme Carrefour-Promodès, des TOTAL, Bouygues, BNP-Paribas, et autres propriétaires de grosses fortunes … qui sévissent ici.
Nous savons bien aussi que certains de nos exploiteurs sont eux-mêmes descendants d’esclaves noirs ou encore d’émigrés chinois. Les Lancry, Parfait et autres HO HIO HEN, sont aussi connus comme ayant bâti leur fortune sur la sueur, l’usure, l’exploitation et le mépris de centaines de salariés, et la pwofitation sur la population en pratiquant des marges démesurées sur les articles de la vie courante.
C’est contre tous ceux là que nous appelons les salariés et les pauvres à se battre ! Alors je le répète, nous faisons une distinction de classe et non de race !
Nous appelons nos frères et sœurs de classe, les exploités, les travailleurs salariés, les démunis et les petits des campagnes, des quartiers, à faire bloc dans la lutte pour mettre hors d’état de nuire cette classe capitaliste qui ne prospère qu’au détriment de notre travail, en s’appropriant la plus grande part de ce que nous produisons !
Les masses qui manifestaient avaient raison de traiter les capitalistes, le gros patronat, de voleurs !
N'oublions pas ce qu’a dit un jour un économiste et philosophe du 19 ème siècle : « la propriété, c’est le vol » ! C’est encore vrai aujourd’hui !
Oui ! Nous revendiquons cette opinion : les exploiteurs sont des voleurs, voleurs de notre travail, voleur de notre énergie créatrice, voleur de notre vie à petit feu, un peu chaque jour et sur une toute une vie de travailleur qui ne sert qu’à les enrichir !
Le mot « béké » qui est au centre du propos qui m’est reproché, dans sa version sociale et économique, et cela tout le monde le sait en Martinique, et Guadeloupe, est l’équivalent de patron.
Il n’y a pas de race béké, il n’ya pas d’ethnie békée, c’est bien la fonction et la position sociale qui est ainsi désignée ; attaquer une « bande de békés voleurs et exploiteurs » c’est attaquer ce qu’ils représentent, et ce qu’ils font, à ce double titre !
Le racisme, ne vous méprenez pas, dans notre région il a toujours été l’idéologie des maitres qui pendant plus de 300 ans l’ont utilisé, afin de reproduire ce même système abominable de domination.
Oh ! certes bien des choses ont changé depuis la fin du 19 è siècle et début 20ème, il serait aujourd'hui plus compliqué d’assassiner un Aliker ou de fusiller comme au François des dizaines de grévistes en leur tirant dans le dos, période durant laquelle les troupes de l’état étaient purement et simplement à la disposition de grands propriétaires békés !
Les risques pour les assassins seraient très grands aujourd’hui de payer cher leurs crimes ! Ils le savent et l’Etat, très prudent en Février-Mars 2009, le sait aussi !
Et c’est cela qui en 2009 a fait enrager certains gros békés (ceux de la bande de békés profiteurs, voleurs » donc, encore une fois, pas tous les békés !
C’est cela qui les a motivés à chercher des voies et moyens de revanche !
Revenons encore à cette accusation de « racisme « ! Qui est ou n’est pas, raciste en Martinique !
Qui a mené sa vie, construit ses maisons dans des zones complètement à part de la population noire ou métis ? Qui a son ghetto de Blancs vers Cap Est ! Qui a dit qu’il fallait préserver sa race, autrement dit se tenir à l’écart de toute vie sociale et culturelle au sein de la population majoritaire ???
M. Hayot sait fort bien tout cela et je doute fortement que sa réaction de me traduire devant le tribunal ait été motivée par un sentiment quelconque d’humiliation raciste qu’il aurait subie de ma part !
 Non, monsieur Hayot !
Tous les Békés ne sont pas des voleurs et des exploiteurs, j’en ai connu dans ma vie qui étaient des camarades de travail et de militantisme à la CGTM. Il faudrait être stupide pour penser que tous les Békés de Martinique ont aussi le même niveau de fortune que M. Bernard Hayot, celui qu’on désigne comme le chef de file des Békés riches de la Martinique, 146ème fortune de France et probablement le plus riche des Martiniquais !
Que M. Hayot ait pris pour lui et pour tous les Békés une formule lapidaire, lancée par des dizaines de milliers de manifestants, à l’encontre, non pas des Békés mais d’une « bande de Békés voleurs et exploiteurs », c’est son affaire !
Le peuple, les masses travailleuses ont plus le sens de la justice et du respect, que ceux qui les exploitent quotidiennement. Leur sagesse se situe bien, dans la formule incriminée qui ne dit pas « Jetez les Békés dehors » ou bien « Békés dehors». Ils disent qu’ils ne veulent plus être exploités par « une bande de Békés volè é exploitè ». Ils n’en ont pas après tous les Békés mais, avec raison, ils en ont après ceux-là. 
Je remarque encore que M Hayot est sensible à mon supposé racisme et à celui des manifestants, mais il est aveugle concernant un racisme vieux de plusieurs siècles qui perdure et qui prend même la
forme d’un racisme officiel ! Et qui crève pourtant les yeux en Martinique quand on regarde de bas en haut la hiérarchie économique, sociale et administrative !
Plus on monte dans cette hiérarchie, moins il y a de Noirs, d’Indiens ou de Métis dans les postes de direction des entreprises privées ou même des administrations publiques ! A tel point qu’Aimé Césaire lassé et écœuré de cette situation avait dénoncé ce qu’il appela le « génocide par substitution », afin de pousser la majorité du peuple martiniquais à réagir contre ce racisme officiel !
Je voudrais revenir sur un événement qui s’est produit pendant la grève générale, le vendredi 6 mars 2010, c’est l’incident qui a amené des contre-manifestants organisés par un petit groupe de planteurs Békés afin de venir lever les barrages tenus par les grévistes.  
C’était une initiative déraisonnable et irresponsable. On a vu des dizaines de tracteurs et autres engins agricoles lourds suivant plusieurs 4X4 conduits par des planteurs békés tenter de traverser la ville pour, disaient-ils, aller à la préfecture faire pression sur le préfet afin qu’il se montre plus actif dans la répression contre les grévistes. Mais pour accomplir un tel projet, il fallait traverser différents quartiers, routes, carrefours, tenus par des barrages de grévistes. Et effectivement au niveau de Trémelle, l’inévitable se produisit, l’affrontement direct eut lieu. Mais malgré l’importance de leur matériel et de leurs troupes, cette contre-manifestation dirigée par quelques planteurs Békés connut un échec retentissant et certains durent abandonner 4X4 et matériel pour fuir la vindicte populaire.  
Sans doute déstabilisés après l’échec de leur manifestation « prise d’otage de Fort de France », ils ont craint d’être les victimes de leur propre mise en scène. C’est seulement après cela qu’ils ont déclaré que le mouvement social était « un mouvement communautaire et anti-blanc ».
Si j’insiste sur cet événement, c’est pour montrer à quel point certains békés ont soif de revanche et voudraient au moins sur le plan judiciaire nous faire payer les mauvais moments qu’ils ont passés lors de la grève générale.
Ils n’en sont d’ailleurs pas à leur première tentative ! 
Ils se sont tous ou presque, fendus de déclarations pour tenter de justifier leur situation et leur position dans la société, dans l’économie en Martinique : Beaudoin-Lafosse-marin ; Roger De Jaham ; Stéphane Hayot ; Eric et Jean Louis- De Lucy, pour ne citer que ceux-là.
Cette posture a même été interprétée par des journalistes de l’hexagone, de mouvement de panique !
Il faut souligner le zèle de ces békés –là, à assimiler le mouvement social comme étant un fléau pour la Martinique, zèle qui a poussé dans un premier temps les Hayot, Fabre, Huygues- Despointes, Aubéry, De Gentile, entre autres, à déposer 34 requêtes devant le Tribunal administratif, en reprochant au préfet de Région, représentant de l'Etat, de ne pas être intervenu pour libérer les nombreux barrages érigés par les grévistes du K5F aux abords des zones industrielles et commerciales.
Puis, après la fin du mouvement de Février 2009, ils ont procédé à des licenciements en cascades dans les entreprises et ont alors tenté d’accuser ensuite le K5F et le mouvement social de nuire à l’économie, … et aux salariés !
Alors qu’une bonne partie des difficultés des entreprises étaient liées, et cela tout le monde le sait, à la crise financière qui avait commencée deux années plutôt aux Etats-Unis.
Depuis un mois se déroule un conflit dans une grande surface de bricolage du Lamentin.
A la lecture du bilan de cette société, les résultats s’élèvent à 1.5 million d’euros. Un million a été distribué aux actionnaires, le solde est destiné selon la direction à financer la construction de l’accès de la future enseigne « Décathlon », propriété du même groupe.
Forts de ces résultats, le personnel composé en grande majorité de jeunes en situation de premier emploi, et de précaires, a légitimement réclamé la part qu’il pensait lui être dû.
C’est la somme de 10 euros au 01 avril, et une autre de 05 euros au 01 décembre, qu’il lui a été royalement proposé !!!
10 euros et 05 euros dans une entreprise florissante qui a distribué 2.9 millions d’euros à ces actionnaires sur les trois derniers exercices !!!
Mais si les résultats n’avaient pas été de ce niveau, combien aurait-on proposé à ces salariés ? !!
Nous savons tous à qui appartient cette entreprise.
Et c’est moi que certains accusent d’incitation à la haine en Martinique ?
Devant de telles pratiques, certains font mine de s’étonner des réactions de ces salariés. Bien souvent ce sont les mêmes qui s’étonnaient des réactions des jeunes qui s’étaient exprimés dans les rues de Fort de France durant la nuit du mardi 24 au mercredi 25 février 2009.
Rappelez-vous du flot de condamnations et de commentaires impitoyables à l’adresse de ces jeunes qui avaient osé exprimer à leur façon, leur désespoir en lançant un véritable cri d’alarme. Entretemps, ils sont retournés dans leurs squats, ou chez leurs parents, toujours désœuvrés, et désargentés. Pourtant on leur avait dit, faites des études et vous trouverez du travail,… suivez ce stage de formation et vous trouverez un emploi, …
Près de deux années après ces évènements, où en sont-ils ? Que leur a-t-on proposé ? Quelles perspectives ? Quels débouchés ?
Tout comme ceux de la grande surface de bricolage, certains avaient trouvé de quoi survivre, pensaient-ils, grâce aux contrats aidés. Sans aucune forme d’avertissement, sans aucune information directe, l’Etat a décidé de les priver de tout revenu.
Du jour au lendemain, leurs employeurs se sont retrouvés privés de tous moyens financiers leur permettant de les maintenir en activité !!
D’un coup d’un seul, plusieurs milliers de salariés, jeunes et femmes en majorité, se sont ainsi retrouvés subitement à la rue !!!
Depuis le début de ce conflit, la direction de ce groupe refuse toute négociation. Les forces de répression casqués et armés interviennent régulièrement avec violence contre ces jeunes salariés, y compris dans les locaux de la Direction du travail.
Et c’est moi que certains accusent d’incitation à la violence en Martinique ?
Que dire alors de la situation de tous ces anciens salariés, aujourd’hui retraités, contraints à vivoter avec des pensions de misère après qu’ils aient été sciemment sacrifiés sur l’autel du profit par leurs employeurs dans les plantations de banane à travers l’utilisation du chlordécone et autres pesticides?
Que dire de l’existence même de ces milliers de travailleurs, jeunes et moins jeunes, privés d’emploi, des personnes souffrant d’un handicap, réduits à percevoir des minimas sociaux, et ce sans aucun espoir de revalorisation de leur revenus ?
Encore une fois, qui incite à la haine et à la violence ici ?-
Mme, Messieurs les juges !
Vous ne pouvez pas juger en ignorant ou en faisant abstraction du contexte historique et social particulier le la Martinique.
Je le redis ! Entre la majeure partie de la population laborieuse et ceux qui dominent plantations, grandes surfaces, import-export, hôtellerie, dans ce pays, il y a de vieux comptes à régler, il y a un contentieux qui est loin d’être apuré.
Les arrières grands parents de MM. Hayot, Aubéry, Despointes etc … étaient les propriétaires des arrières grands parents de ceux qui étaient dans la rue en février 2009. Et concernant ce compte là, à plusieurs niveaux, rien n’est encore réglé.
Aujourd’hui, c’est moi Ghislaine JOACHIM-ARNAUD, qui suis devant ce tribunal, pour des propos tenus et repris par des milliers de travailleurs, mais qui de plus constituent le fond de la pensée de l’écrasante majorité de la population martiniquaise, quant à leurs relations avec un petit groupe de gros et moyens patrons désignés sous le nom de Békés !
Je persiste à dire que les travailleurs ont raison de répondre à l’exploitation, aux injustices, au mépris, qu’ils subissent dans certaines entreprises, aux mauvaises conditions de travail, aux bas salaires. Ils ont raison de répondre par la lutte, comme ils l’ont fait en 2009, et comme le font ceux de M. Bricolage aujourd’hui.
Que M. Hayot, et tous ceux qui le soutiennent dans le camp patronal, ne se fassent aucune illusion sur les effets de leur tentative d’intimidation judiciaire ! 
Bien loin de nous faire peur, elle a eu surtout pour effets d’élargir l’audience de nos propos et de faire connaitre encore plus largement les buts et les idées des militants syndicalistes et communistes révolutionnaires dont je me réclame.
Que tous ces gens là sachent, que je porte trop bien en moi, toute la fierté de ce que je suis, et de mon combat, pour croire que l’épisode actuel m’affectera en quoi que ce soit.
Je me bats, pour qu’un jour, le monde entier soit débarrassé, non seulement de la « pwofitation » et de l’exploitation, mais aussi de ses corollaires, tels le racisme, et toutes les formes d’oppression et d’injustices qui caractérisent cette société.
Monsieur Hayot, en me traduisant devant le tribunal, a rendu un service – certes involontaire - à la cause que je défends !
En effet, depuis plusieurs semaines, des centaines et des centaines de travailleurs, de militants, de jeunes, ont discuté, réfléchi, se sont réunis, ont distribué des milliers de tracts, bref, se sont mobilisés non pas pour ma défense, mais pour leur dignité, car je ne me sens nullement coupable dans ce procès !
Bien au contraire, je me sens mobilisée pour venir ici porter la seule accusation qui est juste, contre ceux du gros patronat qui estiment avoir un droit divin d’extorquer aux salariés l’essentiel des fruits de leur production, de disposer de ces salariés comme d’ accessoires jetables, les embauchant et les licenciant comme bon leur semble ! 
Mais justement, la grève de 2009 a eu le mérite de poser un problème même s’il ne l’a pas résolu. Celui de notre refus de laisser une bande de Békés exploiteurs et voleurs, d’origine diverse, y compris, ceux issu de la population même qui fut esclave ici, celui de notre refus de les laisser faire ce qu’ils veulent dans ce pays.
Il est temps pour nous, classe laborieuse et populaire de décider nous-mêmes de ce qui est conforme à nos besoins et de contraindre les exploiteurs à agir dans ce sens ou à nous laisser la direction des entreprises et de la société ! Nous saurons quoi en faire !
Pour finir, face à l’accusation de racisme dont je suis l’objet, j’aimerai rassurer les rares békés qui douteraient de mon humanisme !
Il est celui des militants communistes révolutionnaires, de syndicalistes qui veulent construire une autre société où la morale dominante ne sera pas la morale du compte en banque et de l’âpreté au profit !
Je suis profondément convaincue que notre humanisme est supérieur à celui des exploiteurs békés, européens, chinois, indiens noirs ou autres !
Car pour moi, à l’instar d’un historien haïtien « la haine n’a jamais rien créé »
Notre humanisme, c’est celui qui veut fonder les libertés sur la mise à disposition des êtres humains de toutes les ressources qu’ils créent et non le maintien de la domination sur la société d’une petite minorité d’extorqueurs, de profiteurs, d’usurpateurs que les masses en lutte ont désigné sous le nom de "bande de békés voleurs et profiteurs",  autrement dit tous ces gros capitalistes qui sucent le sang du peuple travailleur pour faire grandir leur fortune ! 
Cependant, force est de reconnaitre que mon accusateur a fait œuvre utile, même si c’est à partir d’une mauvaise foi évidente, en un sens il a fait avancer notre combat, comme dit le proverbe créole : kod yanm ka maré yanm ! L’igname s’entortille avec ses propres lianes !

lundi 20 décembre 2010

Com. de presse de Christiane TAUBIRA suite à grève LKP du 14 décembre 2010


Christiane TAUBIRA Députée de Guyane
Commission des Affaires Étrangères


Vingt mille personnes se sont mobilisées ce mardi 14 décembre à l’appel du LKP (Lyannaj kont pwofitasyon), regroupement de près d’une cinquantaine de structures syndicales, associatives et culturelles. Et ce, malgré la crise, les difficultés quotidiennes, le désespoir qu’entretiennent les fausses réponses et les vraies esquives.

Ni les Etats généraux ni le CIOM (Comité Interministériel de l’Outre-mer) n’ont remis en question les causes profondes du Mouvement social de 2009 : une économie structurellement dépendante de l’importation ; des rentes d’importation scandaleuses sur les produits de première nécessité ; un chômage durable et des pratiques de recrutement par réseaux excluant de nombreux Guadeloupéens, très qualifiés ou peu qualifiés ; une stratification sociale rigide ; l’absence de perspectives et une gestion à la bonne franquette loin des nécessités de Formation, d’emploi, d’accès aux richesses du territoire.

Ces vingt mille personnes ont voté ce 14 décembre avec leurs pieds pour dire au gouvernement qu’elles veulent des solutions durables et équitables aux problèmes qui ont inspiré leur mobilisation de 2009 et dont l’énoncé est inscrit dans l’Accord Bino et dans le Protocole d’Accord signé par l’Etat, le LKP et les deux Collectivités territoriales.

Il serait dommage qu’ils ne soient pas entendus et finissent par être convaincus que la mobilisation sociale classique n’est pas efficace.

Ce 14 décembre 2010

Assemblée Nationale - Palais Bourbon 126 rue de l’Université 
75355 Cedex 07 SP Tél. 01 40 63 03 08 Fax 01 40 63 03 88
Permanence parlementaire - 35 rue Schoelcher 97300 Cayenne ctaubira@assemblee-nationale.fr / www.christiane-taubira.net

Avec Ghislaine faisons tomber le cynisme de la classe coloniale béké et l'imposture de ses complices



A.R.M.A.D.A
Agir pour les Réparations Maintenant 
pour les Africains et Descendants d'Africains

Avec Ghislaine faisons tomber le cynisme de la classe coloniale béké et l'imposture de ses complices

Qui est cette kamite si combative Ghislaine Joachim Arnaud est secrétaire générale de la CGTM et dirigeante de Combat Ouvrier. Elle fut aussi l'une des principales dirigeantes de la grève générale de février 2009 à la Martinique au sein du K5F (Collectif du 5 février) qui regroupe les organisations syndicales à l'origine de ce mouvement social exceptionnel.

Que lui reproche t-on ? Il est reproché à notre soeur d'avoir repris le slogan lancé par des dizaines de milliers de manifestants lors de la grève générale de février-mars 2009 : « Matinik se ta nou, matinik se pa ta yo, on bann bétjé.pwofitè.volè ;nou ké foute yo déwo » : « la Martinique est à nous, la Martinique n'est pas à eux, une bande de békés profiteurs, voleurs, on les mettra dehors ».

Nous estimons qu'il s'agit là d'un nouveau procès colonial intenté par le lobby possédant de la Martinique, les békés, doublé d'une vengeance à l'égard de la dirigeante du principal syndicat de la Martinique qui avait su incarner avec ténacité et efficacité la lutte victorieuse du K5F contre les causes de la vie chère, pour la justice sociale et pour le respect de la dignité de toutes les composantes de la population.

Un procès réalisé grâce à la complicité scandaleuse d'une association instrumentalisée Ghislaine Joachim Arnaud a été citée à comparaître par le procureur de la république de Fort de France le 15 décembre 2010 au tribunal de Fort de France, sur plainte de Jean François Hayot de l'association « respect dom ». Mais cette association n'avait pas les 5 ans révolus d'existence pour ester en justice. Ainsi c'est le Collectif Dom, par la voix de son avocat Me Murielle Renard-Legrand, qui s'est porté partie civile pour le béké Hayot ! Stupeur et colère Outre Mer ! Comment une association qui prétend représenter les fils et filles de descendants d'esclaves originaires de Martinique, Guadeloupe, Guyane, réunion, Mayotte peut elle apporter son soutien à des accusations de racisme proférées par un descendant des maîtres esclavagistes de la Martinique, un béké ?

C'est donc, par la même un procès inique intenté aux dizaines de milliers de grévistes de février-mars 2009.C'est un procès contre le peuple martiniquais. C'est un procès fait aux descendants d'esclaves aujourd'hui libres mais toujours oppressés par la caste coloniale arrogante des « derniers confettis de l'Empire »..

Une mobilisation puissante en Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion, métropole et même à l'étranger
Ce 15 décembre plusieurs centaines de personnes sont venus devant le tribunal de Fort de France manifester concrètement leur soutien à Ghislaine contre le béké Hayot et ses complices dissimulés au sein d'une organisation de la communauté.

Ghislaine Joachim Arnaud militante syndicale et politique qui a toujours défendu les plus humbles pour leurs droits civiques, sociaux, économiques, culturels et politiques est une femme verticale, "on fan'm doubout" comme on dit en kréyol ! Une femme kamite digne de sa lignée avec Notre Terre Mère l'Afrique qui va réserver des surprises de taille ensemble, ensemble les populations de nombreux pays qui maintenant la soutiennent !

La mobilisation continue donc en s'amplifiant ! Signez et faites signer la pétition ci-jointe (à renvoyer par internet à menendez@wanadoo.fr ou signer sur le net à « petition.be ») ! Participez en relayant largement l'info et en répondant présent aux initiatives de mobilisation !

Kimbé fô Ghislain nou èvew ! Nou péké lagé !

Paris le 18 décembre 2010


assoc.armada@yahoo.fr

Frantz Fanon, le retour  ? | NPA

"Un demi-siècle après sa mort, le 6 décembre 1961, Frantz Fanon, l’un des porte-drapeau les plus prestigieux de l’époque, du mouvement révolutionnaire du tiers monde revient – bien trop timidement encore – sur la scène des débats liés au combat contre l’oppression.

On comprend aisément pourquoi la pensée et l’exemple de Fanon avaient, dans les années 1950 et 1960, enflammé les esprits anti­colonialistes d’Afrique, des ghettos afro-américains ou de la frange radicalisée des campus étatsuniens ou portoricains, des guérillas d’Amérique du Sud, des rebellions d’Asie... Mais en ce début du xxie siècle, de capitalisme globalisé où les guerres populaires ont laissé la place aux manifestations altermondialistes et au réveil encore hésitant du mouvement ouvrier ici et là dans le monde, comment comprendre le regain d’intérêt pour ce théoricien exalté de la lutte de libération nationale et de la violence révolutionnaire ?

Aux Antilles, nous n’avons réussi que depuis les années 1980 (et pas encore suffisamment), à « restituer Fanon à son peuple ». Nous notons avec un immense intérêt l’écho qu’il rencontre auprès de cercles radicalisés de la jeunesse des banlieues françaises. Nous n’oublions pas que la France officielle a rageusement diabolisé Fanon avant de faire fonctionner l’éteignoir du désintérêt, de l’ignorance, de l’occultation.

Le retour de Fanon (que Daniel Bensaïd a été parmi les premiers militants français à flairer), est un indice aussi bien de son universalisme trop souvent nié par ses détracteurs que de la résonance particulière de ses écrits avec les nouvelles résistances à l’oppression et à l’écrasement de l’homme, à l’ère du post-colonialisme.

Post-colonialisme ? Le Martiniquais aurait pesté contre ce terme, du moins quand il prétend s’appliquer aux dernières colonies de la France, car il traduit à la perfection la manie du colonialisme français à masquer par les « néo » et les « post » le maintien de sa très classique domination coloniale sur ce qu’il appelle l’ « Outre-Mer ». L’une des obsessions de Fanon était précisément de lever les « masques blancs », de percer derrière les formules juridiques et les apparences modernistes les réalités de l’oppression dans son caractère global – expression si chère à Fanon – c’est-à-dire à la fois économique, politique, culturel, psychique.

Frantz Fanon n’a été ni le seul ni le premier à avoir démonté les mécanismes de l’exploitation économique et de l’assujettissement politique des colonies, à avoir analysé l’aliénation culturelle et les traumatismes psychologiques engendrés par ce système d’oppression sur ses victimes. Mais il est peut-être celui qui a scruté avec le plus de rigueur et de la façon la plus systématique les faits, les distorsions, les contradictions liés à l’abomination coloniale. Par ces temps de polémiques furieuses sur la question du voile islamique, par exemple, on gagnerait à relire les pages très dialectiques écrites sur le sujet, il est vrai dans un autre contexte, dans son ouvrage L’an v de la révolution algérienne ; il est peut-être celui qui a relié avec le plus de pertinence et d’insistance les différents niveaux de l’oppression coloniale et souligné le plus radicalement le caractère indispensable de la rébellion du colonisé pas seulement pour reconquérir sa terre, ses richesses naturelles, le pouvoir politique mais aussi et en même temps, dans un même mouvement, son être même dans toute sa réalité psychique et physique.

Un intellectuel liant la paroles et les actes

Les dénonciations par Fanon de l’horreur coloniale, ses colères contre les atermoiements de « la gauche française », sa volée de bois vert contre « les mésaventures de la bourgeoisie nationale » des pays dominés n’ont pas forcément davantage de fondement théorique que celles du marxisme révolutionnaire depuis des décennies avant lui. Mais ces analyses au scalpel prennent sous la plume de Fanon une dimension charnelle, une puissance de conviction, une vigueur éthique qui fascine tout opposant sincère de la domination de l’homme par l’homme !

L’impatience à fleur de peau qui traverse l’œuvre de Fanon est celle d’un lutteur exigeant, d’un intellectuel liant étroitement la parole et les actes. L’homme, répétait-il, n’est pas ce qu’il dit. Il est ce qu’il fait.

On n’est pas obligé, surtout 50 ans plus tard, de partager toutes les analyses de Fanon, par exemple sur les rôles respectifs de la paysannerie et du prolétariat dans le combat émancipateur des pays de la périphérie du capitalisme ou encore sur « la violence [qui]désintoxique ». On peut aussi constater que ses analyses lumineuses sur certains épisodes de la vie de sa Martinique natale voisinaient avec une évidente sous-estimation de la complexité socio-historique de ce même pays.

Mais il faut absolument tordre le cou à certaines accusations injustes faites à Fanon. Son appel explicite au « réveil » des masses prolétariennes d’Europe (Les Damnés de la terre) détruit les propos qui le présentent comme un « anti-européen ». De même la radicalité de son discours est le contraire du nihilisme. Ses charges d’une grande virulence contre le colonialisme qui massacre et déshumanise ne l’amène jamais à l’essentialisme qui aujourd’hui encore embrume l’esprit de certaines victimes de la « domination blanche » qui n’est rien d’autre que la domination du colonialisme et de l’impérialisme.

Le même fil humaniste, généreux, révolutionnaire relie l’acte de Fanon adolescent partant avec enthousiasme en « dissidence » contre la domination nazie à son acte d’adhésion au FLN algérien contre l’occupant français et, dans la foulée, à son engagement Pour la Révolution africaine. Une même pulsion, un même souffle se retrouvent dans toutes les étapes d’une vie pressée passant en quelques années de l’analyse sans concessions de « l’expérience vécue du noir » (Peaux noires et masques blancs), à la sociologie d’une révolution (L’an v de la révolution algérienne), puis à l’analyse impliquée des luttes africaines (Pour la Révolution africaine) avant de s’achever pratiquement sur son lit de mort avec ce remarquable effort de réflexion stratégique et d’appel à l’action des Damnés de la terre. Une leucémie foudroyante a empêché que toutes les pistes que l’on sent ouvertes dans ces pages ultimes ne soient développées par cet esprit attachant, rigoureux et passionné mais qui a toujours voulu « interroger ».

Pour suivre ces pistes et surtout les développer aujourd’hui, nous avons l’obligation de nous écarter aussi bien des approximations staliniennes qui voulaient le disqualifier par l’épithète de « nationaliste » que des confiscations nationalistes cherchant à réduire la portée subversive et finalement anticapitaliste de son œuvre.

Ainsi alors, on pourra donner toute sa portée à son mot d’ordre fameux, un mot d’ordre qui fleure bon son créole sous-jacent : il faut « lâcher l’homme » !
Philippe Pierre-Charles (Groupe Revolution socialiste) et Olivier Besanceno