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mardi 16 mars 2010
Indépendance : 50 ans et après ?
L’an 2010 correspond au cinquantenaire de la plupart des pays d’Afrique noire décolonisés en 1960. Les dirigeants de ces pays ont pratiquement tous décidé de célébrer cet évènement avec beaucoup de faste, ce qui génère des dépenses énormes. Ne devrait-on pas plutôt procéder à une introspection et nous poser la question qui mérite d’être posée : «50 ans et après ?»
Des analyses de la situation n’autorisent pas un bilan positif. Des acquis sont à noter : la démocratisation – certes imparfaite – qui nous a fait sortir du régime des Partis-Etats, le pluralisme médiatique qui a permis une information plurielle, les intégrations sous-régionales permettant la libre circulation, les alternances démocratiques (assez limitées) notées çà et là etc…
Force est cependant de noter une stagnation, voire un recul dans plusieurs domaines :
l’Indépendance dont on célèbre aujourd’hui le 50e anniversaire est de pure forme si l’on constate à quel point la plupart de nos dirigeants sont collés aux basques des puissances coloniales qui les traitent avec condescendance;
- la corruption incrustée à plusieurs niveaux de la pyramide sociétale et administrative;
- l’exception Mandela peine à se multiplier : en dehors des cas Rawlings puis Kouffor au Ghana, Konaré au mali, qui ont su partir à la fin de leurs mandats, la mode actuelle est de vouloir s’éterniser au pouvoir, personnellement ou par fils interposés. Cela explique que les coups d’Etat deviennent pour certains peuples une délivrance, malgré les condamnations d’institutions et de gouvernants, souvent teintées d’hypocrisie.
Voilà un aperçu de la situation de l’Afrique qui fête, au moment où ses fils demandent à manger, à se soigner, à travailler…, en vain.
Venons-en maintenant au Sénégal : de 1960 à nos jours, certes le pays a traversé des périodes mémorables de difficulté mais actuellement, ces difficultés ont été démultipliées, avec des relents de crise multiforme.
Au plan social :
- la demande sociale théorisée avant l’Alternance s’est accrue de manière notable, poussant les jeunes à affronter la mer et la mort : «Barça ou Barzaq» clamaient-ils;
- les grèves des travailleurs ne se sont pas estompées, les décideurs ne respectant pas les engagements pris, souvent le couteau à la gorge ; laisser pourrir la situation est une vieille recette des gouvernants qui ne réagissent que sous la menace;
- le chômage grandissant, la paupérisation des populations, le faible niveau de vie, la difficulté d’accès aux soins de qualité sont une constante dans la vie cinquantenaire du Sénégal ;
- une particularité du régime de Wade : la dislocation de nos bonnes mœurs qui consacre une crise des valeurs sans précédent au Sénégal.
Les promesses de l’ancien candidat Wade, jusqu’ici non tenues, ont fini de plonger les Sénégalais dans un désespoir profond. Que sont devenus le prix du riz à 60 francs le kilogramme, la solution définitive de la crise de Casamance en 100 jours, le tramway et les trains à grand écartement, les ambulances et le téléphone dans chaque communauté rurale, l’usine à faire des repas etc…?
Au plan institutionnel :
- la mise au pas du Législatif et du Judiciaire par le Pouvoir exécutif, déjà connue sous les régimes précédents, s’est illustrée de manière caricaturale après l’Alternance de 2000 ;
- le présidentialisme exagéré a traversé la vie institutionnelle de notre pays, à l’exception notable des premières années de l’Indépendance. La nouvelle Constitution de Wade lui a donné une allure de monarchie institutionnelle ;
- la manipulation des textes réglementaires est devenue le sport favori des dirigeants, avec comme seul souci de «s’éterniser au pouvoir», oubliant que ce pouvoir leur a été simplement confié par le peuple, qui attendait du nouveau régime de l’an 2000 un véritable changement de cap. Or, le constat est là, toutes les tares reprochées à l’ancien régime sont bien là et parfois même amplifiées.
Au plan politique :
- Le «modèle démocratique» dont le Sénégal se targuait n’a pas fait long feu ; l’ouverture démocratique des années 80 a été saluée comme il se doit, mais rapidement on a eu droit à des dérives: fraudes à grande échelle, manipulations de lois électorales, usage excessif et irresponsable de la majorité mécanique au Parlement, arrogance et mépris des tenants du pouvoir.
- Aujourd’hui, la confiance a disparu entre les acteurs politiques et l’organisateur des élections, le ministre de l’Intérieur, responsable politique donc partisan et toujours enclin à faire gagner son camp.
Au plan économique :
- Le sabotage organisé du chemin de fer, commencé avant l’Alternance, se poursuit au grand dam des voyageurs, des sédentaires qui avaient fait du train un lieu quotidien de commerce fructueux dans les gares, et des cheminots qui ne savent plus où donner de la tête.
- Le monde rural a connu le même sort ; le paysan, l’éleveur et le pêcheur ont longtemps été traités en parents pauvres, alors que bien des pays émergents se sont appuyés justement sur ces secteurs pour amorcer leur développement. Le Sénégal, sous le régime Wade, a connu sa première marche de paysans.
- La flambée des prix des denrées de première nécessité, du carburant, de l’eau, de l’électricité, du gaz, du loyer etc… n’a pas été atténuée par les augmentations de salaires consentis par l’actuel régime, qui ne concernent pas la majorité des Sénégalais, non salariés ou en chômage.
- L’asphyxie organisée d’entreprises du secteur privé sénégalais en rajoute à la morosité économique et ferme la porte à nombre d’emplois.
- Le régime actuel a certes investi dans la construction de routes, de ponts, d’échangeurs, mais le choix des investissements pose un réel problème ; à titre indicatif deux exemples :
- Les travaux de l’Anoci, qui ont drainé des milliards de francs dans une grosse controverse, sont limités à une partie de la région de Dakar, alors que des besoins criards s’expriment quotidiennement dans des zones où l’inaccessibilité est le plus gros problème qui freine le développement des régions enclavées de Tambacounda, de la Casamance, du Djoloff, de Matam etc...
.La mise en place de statues qui agressent à la fois la culture, la foi et le bon sens est le second exemple, avec son cortège de malheureux accidents mortels, qui a englouti des dizaines de milliards, acte qui dépasse le raisonnable.
- Ces comportements, largement dénoncés par les Sénégalais, sont une habitude du pouvoir : gaspillage, «générosité» déplacée pour distribuer l’argent publique à nombre de visiteurs du Palais présidentiel, même aux fonctionnaires internationaux qui ne sont pas des nécessiteux.
Au plan culturel : la revalorisation des langues nationales a certes été abordée, mais il reste encore des pas à faire, pour en arriver, par exemple, à un enseignement des matières scientifiques dans ces langues.
L’introduction de l’éducation religieuse dans les écoles publiques peut être considérée comme un acquis positif, mais il faut déplorer le sort réservé aux diplômés en langue arabe, le plus souvent confinés à enseigner la langue, quelle que soit leur spécialité, s’ils ne sont pas laissés au chômage.
Consciente de la gravité et de la profondeur de cette crise qui touche un fondement du socle sociétal que sont les valeurs morales, une grande partie des Sénégalais a répondu à l’appel des Assises nationales. L’exercice consistait à faire le diagnostic de la crise multiforme et à proposer un traitement adapté, sensé remettre le pays à l’endroit; les partis politiques, syndicats, organisations de la société civile, associations, Ong, personnalités et les populations qui y ont cru l’ont réussi. En cause, la mal gestion de la République et de la chose publique. Les tentatives de réponse jusqu’ici amorcées ont été vaines, car on a procédé à de simples changements de personnels dirigeants à la tête de l’Etat, sans fondamentalement changer de cap.
C’est pourquoi le Mrds s’est fortement engagé dans la gestion de l’après Assises nationales et œuvre sans relâche pour la mise en place d’une transition politique, limitée dans le temps, qui doit être menée par une équipe et non par une personne providentielle. Elle ne devrait avoir comme seule finalité que d’appliquer les réformes institutionnelles préconisées par les Assises nationales et d’amorcer les mesures économico-sociales de redressement. Cela n’est pas seulement l’affaire des politiques car le Sénégal regorge de compétences, de patriotes dignes de confiance parmi les politiques comme parmi les non-politiques. C’est peut-être là notre chance, si nous savons la tenir !
C’est à cela que le Mrds appelle les Sénégalais.
Professeur Iyane SOW - Secrétaire Général Pour le Bureau exécutif national du Mrds
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