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vendredi 16 septembre 2011
Bien au delà du retrait de la Minustah
Haïti: "Le mois d'octobre arrive avec ses cadavres dans son sillage, se lamente une femme dans la quarantaine, grande consommatrice d'infos. C'est le mois du renouvellement du mandat de la Minustah",soupire-t-elle, inquisitrice, arc-boutée à sa thèse basée sur ce qu'elle appelle ses "observations des poussées de criminalité à pareille époque" au cours des trois dernières années.
Et, ce ne sont pas les démentis des autorités policières se basant sur des statistiques ni le rejet en bloc de cette corrélation par la Minustah qui la feront changer d'avis. "J'en ai vu des choses dans ce pays", ajoute-t-elle, sarcastique et "fatiguée" selon elle de la présence d'une mission budgétivore, très peu encline à inscrire son action en faveur d'une prise en charge d'Haïti de sa propre sécurité avec ses propres forces.
La lassitude et l'impopularité de la Minustah, consécutives à la propagation du choléra "à cause d'un confluent de circonstances" et le viol d'un jeune Haïtien à Port-Salut ne sont plus l'affaire de cette femme rencontrée entre deux avions à l'aéroport de Miami. "Plus d'un millier d'internautes consultés par Haiti Press Network croient à 65% qu'Haïti peut maintenant se passer de la présence de la force onusienne. 35% sont d'un avis contraire », selon l'agence en ligne.
Un scoop ? Non. Cependant, le ton quelque peu doucereux du président Michel Joseph Martelly et sa tentative d'explication (logique) que le comportement de quatre soldats ne saurait rejaillir négativement sur l'ensemble de quelque 9 000 militaires n'aura pas convaincu les manifestants descendus dans la rue mercredi pour réclamer le départ de la Minustah. Pour calmer les esprits, la présidence, selon ce qu'on dit dans la presse, envisage un retrait de la mission onusienne, et au Parlement, on planche sur une résolution, sans véritable effet, demandant un retrait graduel.
On calme les esprits surchauffés des milieux estudiantins nationalistes. On laisse passer l'orage. Ceux qui lisent entre les lignes le coup de foudre entre le GPR, Inite, Alternative et la présidence avec Garry Conille, représentant de l'orthodoxie des Nations unies et de son système, savent toutefois que ce ne sont pas les agitations haïtiennes qui forceront la décision du Conseil de sécurité. Et pour cause, le président Michel Joseph Martelly, comme René Préval avant lui et sans tenir compte de la spécificité d'une mission de maintien de la paix, a souhaité que la Minustah se transforme en une force de développement.
Coup politique de Martelly pour s'assurer de boucler son quinquennat dans le chaudron qu'est devenue Haïti ? C'est possible. Mais, le président Martelly, en agissant ainsi, projette l'image d'un frileux, d'un « gwo van ti la pli », d'un homme politique inexpérimenté à la tête pleine d'illusions, un homme aux propos pas toujours mesurés et facile à plier.
Par delà les analyses des questions conjoncturelles, le fond reste entier. La volonté du Brésil exprimée par son chancelier, Celson Amorim, de réduire graduellement jusqu'à un retrait définitif de son contingent suscite des interrogations. D'autant que le pays de Ronaldo est le plus grand contributeur en hommes de cette mission. Certes, politiquement, Martelly n'a pas d'ancrage et la droite à laquelle il appartient -sans le savoir peut-être- n'a pas la cote dans le sous-continent. A l'exception du Chili de Pineda, engagé dans une reconstruction après un tremblement de terre majeur après le nôtre le 12 janvier 2010. Donc en clair, si c'est la Minustah qui plie bagage quel sera le scénario ?
Le sénateur Youri Latortue et l'historien Georges Michel ont longuement débattu du sujet et des options. Une armée de petite taille, professionnelle, répondant aux autorités civiles devraient faire l'affaire.
"Celui qui doit s'occuper de la question du retrait de la Minustah,c'est le ministre de la Défense et de la Protection civile », avait indiqué il y a quelques mois le sénateur Youri Latortue, favorable à la création d'une nouvelle force de défense qui, dans la foulée, s'est engagé à travailler en vue de revisiter les lois organiques et cadres légaux pour faciliter « la réingénierie de l'Etat ».
Le sénateur de l'Artibonite, pour pallier les problèmes de ressources financières, avait proposé que cette force soit de petite taille avec moins de 5 000 personnes, de doctrine défensive, intégrée et au service de la population. Cette nouvelle force défensive devra compter dans ses rangs, par souci d'économie, des éléments et des unités de la PNH,dont les Gardes-côtes, avait expliqué le sénateur Youri Latortue, qui avait révélé que le budget 2010/2011 de la PNH est de 6 milliards 200 millions de gourdes, en comptant les apports de la coopération externe. 75 % du budget de la PNH est alloué aux salaires de presque 10 000 policiers, 15 % au repas et le reste aux frais de fonctionnement, avait indiqué le parlementaire.
Comme le sénateur Youri Latortue, le docteur, historien et journaliste Georges Michel a indiqué que cette nouvelle force doit être défensive, de petite taille, prête à effectuer des tâches de développement et soumise au contrôle du pouvoir civil et des autorités élues. « La Banque mondiale recommande 1 à 2 % du produit national brut (PNB) pour les dépenses militaires. C'est la règle admise », avait soutenu M. Michel, deux fois membre de deux commissions sur les forces armées en 2004/ 2006 et 2007/ 2009.
Les ressources financières peuvent être dégagées grâce à une meilleure gestion des fonds publics, du transfert à la force de défense de quelques unités de la PNH et d'un renforcement de la coopération, selon M. Georges Michel. « Cette force aura une mission fondamentale d'assistance de la population en cas de désastre et de protection des ressources naturelles, des bassins versants, des aires protégées du pays », avait-t-il également indiqué.
Cependant, il manque une chose : des actions concrètes. Le plan, les ressources. S'agissant des ressources, la question est brûlante. Les calculs du sénateur Latortue sont à prendre en compte. Mais, confrontées à la réalité, est-ce que ces projections tiendront ? Les donateurs bilatéraux et les institutions qui fournissent plus de 65 % de l'aide pour financer le budget de la République ont des exigences. Est-ce qu'elles sont compatibles aux discours de ceux qui veulent d'une nouvelle armée ?
Quoiqu'il en soit, il y a un mal social, ancré dans une situation économique désastreuse qu'il ne faudrait pas négliger. La crise sociale s'accompagne de contestations sporadiques et de grands moments de colère exprimés parfois à la faveur de revendications politiques ou nationalistes. Le président Martelly, alors candidat, avait vu cette colère pétée à son avantage les 7,8,9 décembre 2010. Elle peut encore péter s'il y a des maladresses, car cette crise sociale bruyante cherche des exutoires qui vont bien au delà du retrait de la Minustah....
Roberson Alphonse
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