dimanche 30 juin 2013

GLISSEMENT DE TERRAIN DE MORNE-CALEBASSE




Chacun se souvient qu'en mai et août 2011, un important glissement de terrain avait provoqué l'affaissement de la route de Moutte et conduit à l'évacuation de la Résidence "La Charmette". Lors de la plénière du 18 juin 2013, cette question a été débattue à l'occasion du vote de subventions pour les phases 2 et 3 des opérations en cours.

C'est dans ce contexte que se situe l'intervention de Francis CAROLE dont nous publions ici une synthèse.



INTERVENTION

"Chers collègues,


Lors de la plénière du 14 mars dernier, nous avons répondu favorablement à une demande de subvention de la ville de Fort-de-France, d'un montant de 2 500 000 euros, pour la phase 2 des travaux en cours à Morne-Calebasse.

Deux mois plus tard, par courrier en date du 14 mai, la ville exprime le souhait que cette somme soit directement versée à la SEMSAMAR, maître d'ouvrage délégué, en vertu d'une convention de mandat qui les lie.


LES CAISSES DE LA VILLE SONT VIDES


Si nous ne contestons pas la validité juridique de ce mode de paiement, permettez-nous néanmoins de nous interroger sur la signification politique de ce "retournement de procédure".

On nous explique que "c'est pour aller plus vite". Certes, mais dans ce cas il eût été plus cohérent de demander le versement direct à la SEMSAMAR dès la plénière de mars. Pourquoi donc perdre plusieurs mois quand on cherche à "aller plus vite" ?

A vrai dire, l'explication est ailleurs.

La "Ville-Capitale" qui, en janvier 2013, votait une convention de partenariat avec la SEMSAMAR, aurait-elle perdu la confiance de celle-ci ?

La ville serait-elle dans un état de délabrement financier tel qu'elle craindrait pour le devenir des subventions qui transiteraient par ses caisses ?

Il convient, à ce propos, de rappeler que les difficultés de trésorerie de Fort-de-France avaient déjà été à l'origine d'un arrêt des travaux de plusieurs jours, les entreprises intervenant sur le chantier-STS, SMD et BACHY-ayant été pénalisées par de lourds retards de paiement.


INTERROGATIONS SUR LES TRAVAUX RÉALISÉS


Nous investissons des sommes importantes pour les travaux de Morne-Calebasse : 2 500 000 euros pour la phase 2 et, dans cette même plénière, 1 024 827,98 pour la phase 3.

Point n'est besoin de préciser que nous sommes favorables à l'accompagnement financier de la ville par la Région. Nous devons néanmoins avoir un regard attentif sur ce chantier, car il s'agit à la fois de l'argent public et de la sécurité des personnes.

En effet, la difficulté essentielle qui se pose dans la réalisation de ces travaux, c'est celle de la maîtrise de l'eau.

Toute cette zone, de l'entrée de la route de Moutte jusqu'au COPES, se trouve sur un bassin versant parcouru par des nappes d'eau. Les anciens du quartier se souviennent d'ailleurs des mares situées à proximité de "La Charmette". En1993, quelques mètres plus loin, dans le même secteur, à Terrain Populo, un important glissement se produisait déjà, entraînant la destruction de plusieurs habitations et des déplacements douloureux de personnes âgées.

Ce phénomène, s'il n'est pas correctement maîtrisé, risque, à terme, de déstabiliser toute la colline, avec les conséquences que l'on imagine.

D'ailleurs, les bureaux d'études en géotechnique qui se sont penchées sur cette question sont en désaccord sur le fait de savoir si tout danger est écarté.

Ainsi, l'un d'eux, dans un rapport en date du 18 juillet 2012, conclut en ces termes : 

"A partir de l'exploitation des piézomètres et des résultats des mesures de conductibilité, il nous semble prématuré d'exclure la présence d'une nappe d'eau."

Nous ajoutons qu'une commission ministérielle d'experts a, à partir du 30 avril 2013, pendant trois jours, procédé à une analyse technique des travaux en cours. La Région a-t-elle été destinataire du rapport de cette commission qui devait être remis dans les trente jours ? Pour notre part, nous demandons que ce rapport soit rendu public.


Nous voulons conclure en attirant l'attention sur la longue attente des riverains dont plusieurs sont concernés par une interdiction provisoire d'occuper leur habitation. 

L'interdiction étant provisoire-mesure dont nous ne contestons pas la nécessité-les assurances ne peuvent pas intervenir et nos compatriotes vivent dans une situation d'angoisse que nous comprenons tous, d'autant que la fin des travaux, d'abord promise pour décembre 2012, a été renvoyée à décembre 2013...si tout se passe bien...

Entre-temps, les maisons, inhabitées, sont vandalisées puisqu'elles ne bénéficient plus du système de surveillance qui avait été mis en place dans un premier temps. Elles se dégradent aussi au fil du temps et, en cas d'autorisation à les occuper à nouveau, des frais de réhabilitation devront être envisagés sans que l'on sache si les propriétaires seront accompagnés.

Merci de votre attention."



PS : LORS DE CETTE PLÉNIÈRE DU 18 JUIN, IL A ÉTÉ RETENU DE PASSER COMMANDE D'UNE ETUDE GÉOTECHNIQUE SUR TOUT LE BASSIN VERSANT DE LA ROUTE DE MOUTTE.

IL Y A PLUS DE 10 ANS, NOUS AVIONS DEJÀ ÉCRIT A LA MAIRIE DE FORT-DE-FRANCE POUR DEMANDER QUE CETTE ÉTUDE SOIT RÉALISÉE. 

SI NOUS AVIONS ÉTÉ ALORS ÉCOUTÉS CELA NOUS AURAIT MIS À L'ABRI DE BIEN DES IMPRUDENCES, COMME D'ACCORDER SANS DISCERNEMENT CERTAINS PERMIS DE CONSTRUIRE...

F.C.

samedi 29 juin 2013

La Guadeloupe en quelques chiffres


- 19 homicides volontaires, assassinats et coups mortels (dont 7 règlements de comptes vraisemblables) depuis le début de l'année + Petit-Bourg (nombre définitif des victimes encore à confirmer) ce samedi soir.
- 36 homicides volontaires, assassinats et coups mortels (dont ceux de 6 femmes victimes de leurs maris ou compagnons) en 2012.
- 44 homicides volontaires, assassinats et coups mortels en 2011.
S'y ajoutent:
- 339 vols à main armée en 2011.
- 460 vols à main armée en 2012.
- + 25 % depuis le début de l'année.

Une fusillade aurait fait 6 morts en Guadeloupe en début de soirée.

La Guadeloupe plonge dans la violence, on fait état d'une fusillade qui aurait fait au moins 6 morts. Nous n'avons pas plus d'infos pour l'instant.
_________________

La fusillade a eu lieu dans le quartier de Tabanon à Petit-Bourg.

L'homme a tué sa femme et ses 2 enfants, ainsi que 3 hommes dans les maisons voisines.

Un procureur, un hélicoptère et une cinquantaine de gendarmes sont sur place.

vendredi 28 juin 2013

La préfète de la région Guadeloupe communique : APPROVISIONNEMENT EN CARBURANT DES SERVICES PRIORITAIRES

Stations réquisitionnées le vendredi 28 juin 2013 de 08 h 00 à 11 h 00

Les gérants de stations-service sont en grève de la distribution de carburants depuis le mardi 25 juin 2013 au matin.

Afin de permettre un approvisionnement en carburant des usagers prioritaires, la liste des stations service réquisitionnées de 08 h 00 à 11 h 00 le vendredi 28 juin 2013, est la suivante :

TOTAL Baillif
VITO Calvaire Baie-Mahault
VITO Morne Vergain Abymes

La préfète invite la population à privilégier le co-voiturage.

L’accès à ces stations-service sera strictement réservé aux véhicules prioritaires qui doivent être munis des pièces justifiant leur qualité et se fera sous le contrôle des forces de l’ordre.

La préfète rappelle par ailleurs, que la vente de carburant en jerrican est strictement interdite.

LISTE DES SERVICES ULTRA -PRIORITAIRES

1- véhicules des services d'incendie et de secours,
2 - véhicules des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux,
3 - véhicules des SAMU/SMUR,
4 - véhicules de police nationale et de gendarmerie,
5 - véhicules des services et organismes assurant des missions de sûreté portuaire et

aéroportuaire,

6 - véhicules du service de contrôle aérien et du personnel aéroportuaire,
7- véhicules des services transport et ravitaillement de la SARA
8- véhicules des services de l’administration judiciaire (cours, maison d’arrêt, centre pénitentiaire)

Ainsi que les véhicules personnels des agents des services visés aux points 1 à 7

9 - véhicules des professions médicales et paramédicales (dont les organismes d'aide
aux handicapés, ambulances, VSL),

10 - véhicules des sociétés de distribution de produits pharmaceutiques,
11 - véhicules du transport ambulancier, VSL et personnes à mobilité réduite.

12 - véhicules des pharmacies et des laboratoires,
13 - véhicules des services et acteurs du secours en mer,
14 - véhicules de presse.

Cabinet de la Préfète Basse-Terre, le 28 Juin 2013

jeudi 27 juin 2013

Lettre de sous mon tamarinier


Le mouvement social du début de l’année 2009 a été pour nous un temps recréation, une sorte d’exercice de dépassement de ce que trop longtemps nous avons accepté d’être : des individus qui ont abdiqués, vivant en dehors d’eux-mêmes et de leur lieu.

Nous nous sentions fiers de cette démonstration de foi en nous-mêmes et de confiance en nos imaginaires créoles. Les gens de Guadeloupe arrivaient à exprimer, dans les rondes de paroles qui avaient fleuri ça et là, la passion surprenante de se définir qui les habitait.

Cela a été une occasion de signifier à cet imaginaire arrogant de la pensée unique et de la profitasyon que la diversité constitutive des peuples que nous sommes génère des formes renouvelées du vivre ensemble, que nous sommes décidés et résolus à assumer. Nous voulons désormais habiter nos identités vraies.

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Les « DOM » sont évidement des terres in-tranquilles, trop de choses s’y sont déroulées et continuent de s’y passer pour qu’il en soit autrement. 

Cet imbroglio dans lequel se sont enfoncées les sociétés antillaises, faut-il le rappeler, prend sa source dans un passé fait d’esclavage, de colonisation, d’assimilation et d’assistanat qui a considérablement déstructuré l’homme antillais, le plongeant dans une mésestime durable de lui-même. 

Aux dangers du passé, qui sont toujours présents, d’autres, qui aujourd’hui touchent l’ensemble du monde, sont venus s’ajouter.

Je pense entre autres aux grandes mutations climatiques qui sont en cours. Des tremblements de terre et des cyclones de plus en plus rudes sont annoncés dans ces espaces que nous habitons. Or nos pays ne disposent d’aucune préparation sérieuse leur permettant de faire face à ces défis, rien n’est véritablement entrepris en ce ses. Dans le même temps, les populations s’enfoncent de plus en plus dans une précarité qui les expose considérablement et accroît pour elles tous les risques.

La Guadeloupe est le département de France le plus fortement touché par le sida, la pollution de son sol, l’alcoolisme, la consommation de champagne, le diabète, les accidents cardio-vasculaires, la violence domestique, les accidents de la route, la délinquance des jeunes, plusieurs formes de cancer, l’illettrisme, l’échec scolaire, la répression syndicale, le chômage, l’addiction aux drogues, aux jeux de hasard, aux gadgets types téléphones mobiles, la consommation de feuilletons télévisés, le surendettement des ménages, le nombre d’allocataire du RMI, le coût élevé de la vie…

Nous sommes allés, sans préparation ni projet d’avenir, du trauma de la traite à celui d’une profitasyon systématisée qui aujourd’hui s’exerce sur les individus et les communautés. De cela résulte un mal-être qui nous ronge, en même temps qu’il génère en nous un désir compulsif de consommer. Nous nous trouvons plongés dans une misère mentale et un déséquilibre qui n’existe dans aucun des pays soi-disant plus déshérités du bassin Caraïbe. 

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Le peuple guadeloupéen, au travers des grèves, de la résistance des travailleurs agricoles, des révoltes imprévisibles, des luttes paysannes, de ses militants sacrifiées, a de tout temps exprimé le refus de ce cheminement historique désastreux et de la profitasyon, qui ont conduit le pays à son état de délitement actuel. 
Les Guadeloupéens et les Martiniquais ont le sentiment douloureux que jusqu'à ce jour aucune des manières de gouverner notre pays qui leur furent imposées n’a jamais su ou voulu prendre la mesure de leurs vécus.
Sans aucun doute est-ce là qu’il faut chercher les causes de ces fièvres sociales qui agitent continuellement nos sociétés, perturbent « leur économie » et la vie quotidienne. Et la France n’a jamais su ni les considérer, ni prendre leur mesure, dépassée qu’elle est par leur imprévisibilité, leur caractère inédit. Désarçonnée, le jugement obscurci par sa mauvaise conscience, elle perçoit ces situations de façon négative.

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Ici, dès le moindre frémissement de mécontentement, aux premières rumeurs de mobilisations, l’on est frappé par la promptitude de mise en marche de dispositifs, policiers, (mobilisation, d’impressionnants escadrons de gardes mobiles et de gendarmes arrivants de la métropole) mais aussi privés : mobilisation du patronat, des partis politiques liés au pouvoir en place, de la presse, et autres relais...
Les moyens sont rodés, nombre d’individus mutent alors en communicants zélés, portant, sur les plateaux de la radio et de la télévision publique, versions et visions officielles. 
Se faisant persuasifs, ils réexpliquent (en bon français) les vraies données du problème… Et la sempiternelle chanson annonçant la faillite imminente de l’économie, réchauffée, est servie a satiété : à continuer dans cette voie le pays ne tardera pas à rejoindre Haïti…

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Il y a encore des Antillais tout pleins de sincérité et de ridicule, qui pensent hausser leur être dans l’adhésion fusionnelle à la France. Dès la moindre agitation, ils implorent le ciel, s’emploient à rechercher les moyens d’un retour rapide à la normale.
Ils ont certainement gardé en mémoire la peur historique du marronnage, cet acte ultime de l’esclave qui, fuyant l’Habitation, s’engageait dans une rupture radicale avec le système servile, allant parfois jusqu'à la résistance violente. 
Ces Antillais-là rejettent avec force toute intellectualisation qui reconnaît dans le nègre marron la figure tutélaire de celui qui, dans un réflexe de refus, recherche son identité et sa liberté. 
Suivant les situations, leurs attitudes et leurs discours se font agressifs, affectifs, paternalistes (ils en appellent à la raison, renvoient à la situation misérable des pays avoisinants), ils vont jusqu’au chantage (« vous allez être largués »), à l’appel à la répression (“ça suffit, la récréation a assez duré” s’indignait l’un d’entre eux au journal de 20h pendant le mouvement social).

Il y a aussi ceux qui ne font que passer et ne voient du pays que ce qu’ils peuvent en tirer.

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D’une manière générale les oppositions de gauche, progressistes, écologistes et le reste, observent la ligne validée par leur hiérarchie de « métropole » et alors qu’il faudrait contester radicalement le système invisible qui nous réduit à la plus insignifiante partie de ce que nous sommes, se taisent, ou partent en jactance, dans des discours évidés de tout le souffle de nos lieux.

Ce matin encore, monsieur le Président de Région, réagissant au meurtre d’un homme par arme à feu, interpellait sur une radio du service public, avec une autorité à faire rire ou pleurer, les services de l’Etat et monsieur le Président de la République, lui rappelant ses devoirs, le sommant de prendre ses responsabilités afin que des actes aussi odieux et inqualifiables cessent. J’en étais ébahi. Triste et terrifiante déresponsabilisation à laquelle nous sommes tous parvenus. Nous ne sommes résolument plus capables de faire face par nous- mêmes à la moindre situation.

Les élus locaux qui dirigent les assemblées le font avec contentement et autosatisfaction. Ils prennent plaisir à la représentation politique : ils votent les crédits et les programmes d’équipements qui permettront de couvrir de béton toutes ces terres déshabillées de leurs champs de cannes et de bananes. Ils maintiennent avantages sociaux et somptueux festivals… Ils reconduisent ainsi, à coups d’euros et sans le moindre état d’âme, la mendicité officielle.

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Dans ce pays, la plupart de ceux qui se sont exercés et qui s’exercent au combat politique sont des hommes d’appareils, dont le parcours politique se fraie dans l’océan de paradoxes et de contradictions que génère le système. Plus leur carrière se prolonge, plus ils s’éloignent de leur communauté, moins ils perçoivent les lignes de force de cet autre monde que nous n’arrêtons pas de devenir. Ils apparaissent de plus en plus insensibles au quotidien des populations. Leur unique priorité est de plaire et de ressembler aux hommes politiques français de premier plan, pour soigner leur avancée et conserver leur place au soleil. Cette manière de faire de la politique connaît ses limites : le peuple n’a jamais adhéré durablement à aucune des idéologies qui lui furent proposées, qu’elle soit de droite ou de gauche. 

Ils ont tourné le dos au pays réel, voilà pourquoi ils n’ont jamais pu mobiliser personne pour aucune grande cause ni aucun grand combat. Ils ne s’expliquent ni ils n’acceptent au fond d’eux-mêmes la force et la fraîcheur de la mobilisation autour du LKP, qu’ils jalousent et combattent plus ou moins secrètement. Ils pâlissent d’envie devant cet étonnant succès qui leur rappelle que nos communautés pourraient bien faire peuple et que les vrais leaders sont à venir.
Ces moments laissent apparaitre au grand jour qu’ils perpétuent une tradition d’allégeance à la France.

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Ce qui gêne encore en ces lieux, c’est cette attitude qu’adoptent certains intellectuels, lorsqu’ils choisissent de se mêler de ces affaires-là, se plaçant en donneurs de leçons, distribuant des points, critiquant du haut de leur savoir, admonestant… Ils tentent de préserver des petites zones d’influence sans jamais renoncer aux conforts que leur offre le système. 
Fort heureusement les gens du pays, trop peu éduqués qu’ils sont à la magie des grands mots, ne les entendent pas. 

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Il y a là que chacun s’emploie à devenir le petit chef de quelque chose ; nous sommes ainsi devenus une somme d’individus vivant une même tragédie, incapable d’imaginer ensemble les moyens de nous libérer de ce qui nous englue.

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Quant aux efforts des militants nationalistes, politiques et syndicaux, ils se résument le plus souvent en une suite d’initiatives qui n’entraînent aucune résolution définitive des problèmes. Cela fait une série d’échecs répétés qui témoignent de la difficulté qu’ont ces mouvements à renouveler leur regard sur leur environnement, sur eux-mêmes, et à envisager le monde autrement. Les petites et grosses acceptations se généralisent et anesthésient un grand nombre d’entre eux.

Nos sommes des sociétés orphelines de leurs leaders naturels et populaires, comme nous avons été dès l’origine une société dépouillée de ses héros naturels et populaires.

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Lorsque l’on considère avec attention l’existence agitée que mènent Guadeloupéens, Martiniquais et Guyanais, l’on s’aperçoit que ces communautés ressentent et nourrissent au fond d’elles-mêmes nombre de peurs : celle de toute idée d’autonomie et, pire, d’indépendance (la départementalisation, le fonctionnariat ayant fait de nous un peuple d’assistés, qui a désappris la responsabilité et qui s’est habitué à la mendicité pour survivre), mais aussi celle d’un complet effacement, par une affluence trop importante d’immigrants. Ceux qui viennent de pays voisins : Haïtiens, Dominicains (ces parts de nous mêmes que nos mémoires se hâtent d’oublier) mais aussi les ressortissants français, les « métropolitains » qui, plus puissants économiquement, plus nombreux, sont perçus comme s’accaparant le pays profond et pratiquant la profitasyon.

Ces communautés perçoivent qu’en ces mêmes lieux, les nouveaux arrivants produisent de la richesse, soutiennent, à distance, leur pays d’origine, tandis qu’eux fournissent un travail en suspension, une « série d’activités dérisoires, parcellaires, sans relation avec une conduite collective de subsistance » comme l’a écrit Edouard Glissant, activités qui ne mettent pas à l’abri de l’affaiblissement collectif et ne confortent pas leur identité de peuple. Dans le même temps l’adhésion au modèle occidental les pousse à se concevoir, toujours plus, comme peuple à identité exclusive de l’autre, mais aussi à se survaloriser identitairement.

Se mettent alors en place les mêmes vieux réflexes que ceux des occidentaux : l’inhospitalité, la peur de l’autre, les raidissements identitaires, l’exclusion… Ils vont ainsi à l’encontre de leur nature propre de groupes humains multiculturels, multiethniques. 
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Nous avons à quelques-uns signé le Manifeste pour les produits de haute nécessité, parce qu’il nous a semblé qu’il fallait contre tout cela relayer la parole et d’abord reconnaître, à voix haute, tout ce que le mouvement mené par le LKP révélait de notre absence de responsabilité.

Nous exprimions que le mouvement « a mis en exergue le tragique émiettement institutionnel de nos pays et l'absence de pouvoir qui lui sert d'ossature. Le "déterminant" ou bien le " décisif " s'obtient par des voyages ou par le téléphone. La compétence n'arrive que par des émissaires. La désinvolture et le mépris rôdent à tous les étages. L'éloignement, l'aveuglement et la déformation président aux analyses. L'imbroglio des pseudos pouvoirs Région-Département-Préfet, tout comme cette chose qu'est l'association des maires, ont montré leur impuissance, même leur effondrement, quand une revendication massive et sérieuse surgit dans une entité culturelle historique identitaire humaine, distincte de celle de la métropole administrante, mais qui ne s'est jamais vue traitée comme telle. » 

Mais ce mouvement n’a pas eu uniquement une valeur critique, négative : Il a aussi eu une valeur positive : plus aucune politique conséquente ne saurait désormais occulter cette mobilisation à nulle autre semblable qui, pendant quarante quatre jours a tenu le monde en éveil.

Des milliers d’hommes et des femmes de tous âges ont marché, crié leurs lassitudes, affronté les brutalités de police (pour certains) les menaces et intimidations, mais aussi leurs corps récalcitrants à de rudes efforts, leurs automatismes de soumission, la crainte des créances ordinaires, leurs hiérarchies arrogantes, la « parole venue d’en haut », parce qu’ils croyaient que l’on pouvait changer la vie, bousculer l’ordre des choses, refuser la fatalité qui démantibule. 

« La souffrance réelle du plus grand nombre, a rejoint des aspirations diffuses, encore inexprimables mais bien réelles, chez les jeunes, les grandes personnes, oubliés, invisibles et autres souffrants indéchiffrables de nos sociétés. » 

Et les cris étaient si justes qu’ils sont parvenus aux oreilles du monde entier.

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Cette crise a donc créé un grand « dérangement », une « manman-réflexion », dans les familles, les entreprises, les bourgs et les campagnes, qui a échappé à la récupération par les autorités françaises. 
Un désir de changement s’est enclenché dans la conscience et dans l’esprit de chacun, il a ouvert à la possibilité d’une métamorphose de notre vision sur nous-mêmes, sur la Guadeloupe et sa présence en acte dans le monde. Il chemine encore dans les imaginaires de tous, malgré d’obscures entraves et l’absence de visée de certains dirigeants du mouvement. 

Dans le prolongement de cette acuité de conscience, nous avons compris, quant à nous, que l’impératif est d’organiser une consultation méthodique et scrupuleuse des habitants de ces pays, afin d’analyser ce qu’ils proposent et de mettre en œuvre sans désertion ce qu’ils espèrent. 

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Que les terres de Guadeloupe et de Martinique aient comme berceau une mer ouverte, la mer Caraïbe, lieu de passage vers les Amériques qui favorise l’échange et la rencontre, et que leur peuplement soit de nature composite, prédispose leurs sociétés (par delà les défis historiques qu’elles auront à relever et les réponses qu’elles adresseront ou n’adresseront pas) à la Relation et au refus des absolus de l’Histoire.
Nous qui y vivons, nous sommes persuadés que seul l’élaboration d’un projet d’ensemble, valable pour tous et pour chacun, porté par un imaginaire libre et qui introduise à une vraie souveraineté, nous rendrait plus heureux, plus apte à intégrer et à participer à la ronde des peuples maîtres de leur destin.

C’est cette responsabilité-là que les peuples de Guadeloupe, Martinique et Guyane, jusqu’ici, n’ont pas la force d’assumer. Comme si il ne pouvait exister pour nous une quelconque souveraineté sans qu’elle soit conçue et attribuée par la France. 

Il est cependant une certitude : pour espérer échapper aux dangers qui nous menacent, il faudra tenter sans aucun délai ce qui jamais auparavant n’a été tenté. 

Gerard Delver

mercredi 26 juin 2013

Dans ce pays de colonisés, il n'est pas permis de manifester.

En ce moment Hervé PINTO syndicaliste Cdmt Postes à été arrêté ,pour avoir déployé une banderole devant la mairie ou se trouve en ce moment Mr Ayrault !!!!


S. Landeau

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Hervé Pinto, le syndicaliste de la CDMT/Poste arrêté hier pour avoir déployé une banderole, est toujours en garde à vue au commissariat de Fort-de-France...

27-06-13

Lisa David : Mon petit cri pour le centenaire de la naissance de Césaire


Bref voyage dans le passé avec les ministres français et les « héritiers » de Césaire… ou comment déchiqueter l’image d’un homme.

Jean-Marc Ayraut arrive dans notre pays ce mercredi 26 juin. Dans un climat bien plus tranquille que le celui qu’avait connu son prédécesseur socialiste Lionel Jospin. La Martinique n’avait pas vu un Premier ministre de Gauche depuis 14 ans. Lionel Jospin le socialiste, chef du gouvernement de cohabitation sous Jacques Chirac, était venu en octobre 1999 dans un climat social très tendu, et il a bien a failli se faire secouer à la Jégo. Retour sur ces visites ministérielles dans la colonie Martinique.

"Monsieur le Premier Ministre, donnez-nous un Préfet !" Roger De Jaham interpelle ainsi Lionel Jospin, Premier ministre de la France. Nous sommes le 27 octobre 1999 à l’Atrium, où le chef du gouvernement, de passage aux Antilles pour quatre jours, rencontre les chefs d’entreprise du pays. 

Si Jacques Chirac est Président de la République, la Gauche gouverne et le Premier ministre n’a pas caillé, comme pouvait l’espérer celui qui se prenait pour le dernier maître de Martinique. Le temps de rougir comme un chabin, le chef du Gouvernement envoie De Jaham dans les cordes : « Ne vous trompez pas sur le sens de cette rencontre. Restez un chef d’entreprise ou un acteur de la vie économique. Je viens ici pour remplir un rôle, gardez le vôtre. Maîtrisez les problèmes sociaux avec intelligence dans votre entreprise. Faites votre travail. Créez des richesses, dirigez votre entreprise mais ne venez pas ici mettre en cause des fonctionnaires de l’Etat. »

Roger de Jaham reste KO. Il n’était pas encore entouré de ses « tous créoles » pour courir à son secours. Celui qui se voulait déjà le porte parole de la caste békés est bien seul face à un Premier Ministre qui n’es pas du genre à se prosterner devant les puissances d’argent de la colonie. 

Il faut dire que le climat était au plus major depuis quelques mois. Les patrons se sentaient forts. La grève chez Toyota les avait gonflés à bloc. Ce conflit qui opposait les salariés de la marque japonaise à leur patron André Péraldi, avait démarré face au refus de ce dernier de redistribuer une partie des bénéfices réalisés par l’entreprise, sous forme d’augmentation de salaire. Le patronat local a pesé de tout son poids pour que le dirigeant de Toyota ne cède pas. Plainte a été déposée contre les grévistes postés aux abords de la concession et des nervis accompagnés de chiens d’attaques ont été envoyés dans la zone industrielle. Une opération commando a même été menée par les nervis contre les grévistes. L’ambiance était au macoutisme patronal. Une procédure de licenciement a été engagée contre les délégués du personnel. 

En solidarité avec les grévistes, les syndicats se sont mobilisés. Les sections syndicales de la CGTM ont mené de nombreuses actions comme à l’EDF avec des coupures de courant. Les chauffeurs de taxis, de cars et les camionneurs membres de la CDMT avaient bloqué les axes routiers quelques jours avant la venue du Premier ministre. Il fallait faire céder les gros patrons qui soudés par le conflit Toyota, voulaient faire la loi. Ils avaient le soutien du RPR (devenu UMP en 2002) et du Président de la République issu de ses rangs du parti de Droite, Jacques Chirac.

Mais Lionel Jospin qui a envoyé Roger De Jaham « maîtriser les problèmes sociaux avec intelligence », pouvait compter sur le soutien de la Gauche locale qui était encore à gauche. Une Gauche dominée par le PPM qui n’avait pas encore recruté Daniel Robin dans ses rangs. Pas encore converti, celui-ci exprimait son ras le bol de ces syndicalistes empêcheurs de commander en paix.

Le syndicalisme n’était pour lui que « macoutisme » et il le faisait savoir dans le journal français « Les Echos » (29 octobre 1999) : « Nous ne pouvons plus travailler dans ces conditions dans ce pays où domine le macoutisme syndical », explique ainsi Daniel Robin, président de l'Union régionale des PME (URPME), qui, bien qu'étant l'une des organisations les plus modérés, dénonce la situation d'anarchie et « la violence qui tiennent lieu de dialogue social. Il faut que le Premier ministre dise clairement si oui ou non il entend faire respecter l'Etat de droit aux Antilles. Ce n'est pas le cas en Martinique en ce moment, et il est hors de propos de discourir sur le développement économique et de maintenir cette situation de laisser aller... ».

Élu Président de la République en 2007, Nicolas Sarkozy drague sur sa gauche. Et ça marche. Quand les ses ministres passent en Martinique, on oublie que la Gauche y est majoritaire et la Droite aux commandes en France. 

Oublié les crachats de celui qui, ministre de l’Intérieur, avait du annuler sa visite en décembre 2005, Aimé Césaire refusant de le recevoir et des manifestations hostiles à sa venue se préparant dans le pays. Le ministre avait fait voter en février 2005, une loi qui conseillait aux enseignants de "mettre en valeur" l’aspect positif de la colonisation, particulièrement en Afrique du Nord, précisait ce texte. Aimé Césaire, maire honoraire avait dans un communiqué, évoqué des « raisons personnelles » et « parce que auteur du « Discours sur le Colonialisme », je reste fidèle à ma doctrine et anticolonialiste résolu. Et ne saurais paraître me rallier à l’esprit et à la lettre de la loi du 23 février 2005 ».

Les Martiniquais s’étaient justement senti visés quand Nicolas Sarkozy, dans les banlieues parisiennes, disait vouloir "nettoyer au kärcher", la « racaille ». Des propos qui visaient autant les enfants de l’immigration africaine que nos frères et sœurs ghettoïsés dans les banlieues depuis que condamnés à l’exil par le chômage et le Bumidom, ils sont partis en France.

Un an plus tard le pardon, ou l’abandon des convictions ayant fait son œuvre, Nicolas Sarkozy accompagné entre autres, d’Eric Woerth est reçu par le père de la Négritude. L’histoire écrira peut-être un jour les noms des traîtres  instigateurs de cette rencontre qui aura autant choqué les Martiniquais, que la loi du 23 février sur le rôle positif de la colonisation. 

Ce 10 mars 2006, l’écrivain de la négritude offre son « Discours sur le colonialisme » à celui qui dira plus tard (26 juillet 2007 à Dakar) que le « drame de l'Afrique » vient du fait que « l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire » !

Une image de cette rencontre restera gravée dans les mémoires : celle du vieil homme descendant les escaliers de la mairie, soutenu tel un pantin par Nicolas Sarkozy. Et pendant qu’à la télé on regarde ce triste moment le commentaire précise : Le reportage de France 3 à la mairie de Fort-de-France précise : « cette image tant attendue et patiemment négociée par le ministre de l’Intérieur, la rencontre avec Aimé Césaire, le vieux sage de la Martinique, poète de la Négritude qui avait refusé de le recevoir en décembre dernier. » Et quelques phrases plus tard du commentaire : « Pour une fois Nicolas Sarkozy se tait, il écoute longuement les confidences du vieil homme et soudain ce lapsus, du à la visite de Laurent Fabius le mois dernier » et on entend Césaire de sa voix tremblante dire « nous avons Laurent Sarkozy ! ». Rires dans l’assemblée.

La journaliste, Roselyne Febvre ne semblait pas savoir ce qui se jouait en coulisse quand elle concluait ainsi son reportage :« Le voyage de Nicolas Sarkozy s’achève ce soir. Un voyage qu’il redoutait, surtout en Martinique où la contestation est plus forte et la droite inexistante. » Mais la nouvelle Droite était déjà bien née ce 10 mars 2006 !

Nicolas Sarkozy, celui qui tutoie Serge Letchimy, est venu en Martinique pour les obsèques d’Aimé Césaire le 20 avril 2008. Mais ce jour là, c’est la famille qui a décidé et pas question d’utiliser encore une fois l’image du grand homme pour faire de la basse politique. La famille du défunt a refusé que Nicolas Sarkozy prononce un discours afin d'éviter toute récupération politique.

26 juin 2013, c’est au nom du centenaire de la naissance d’Aimé Césaire que le Premier ministre de la France vient. Au nom de la lèche les larbins seront au Rendez-vous… au nom de Césaire !

« Je parle de millions d'hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d'infériorité, le tremblement, l'agenouillement, le désespoir, le larbinisine. »
Aimé Césaire.


Lisa David