Le rapport du Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable, intitulé "Les risques de mouvements de terrain sur le site de Morne-Calebasse à Fort-de-France (Martinique)", a été publié dès juin 2013, après une mission qui s'est déroulée les 22, 23 et 24 avril 2013.
DISSIMULATION D'INFORMATIONS
Pourquoi la municipalité de Fort-de-France a-t-elle caché ce rapport au public ?
Quels motifs ont conduit la municipalité néo-PPM à dissimuler les conclusions de cette expertise des travaux de Morne-Calebasse y compris aux riverains, par ailleurs victimes de la catastrophe de mai et août 2011 ?
Même l'association des riverains, trois mois après la publication de ce rapport, n'en avait pas été informé par la mairie !
Il a fallu la vigilance et la persévérance d'un habitant du quartier, géotechnicien, pour accéder à ce document et le porter à la connaissance de la presse et du public.
Cette volonté d'opacité constitue une faute politique grave et un manque de considération manifeste pour les familles victimes de ce glissement de terrain.
Dans nos fonctions de conseiller régional, en juin 2013, nous avions exigé que ce rapport soit rendu public et exprimé nos inquiétudes à propos des travaux en cours :
"Nous investissons des sommes importantes pour les travaux de Morne-Calebasse : 2 500 000 euros pour la phase 2 et, dans cette même plénière, 1 024 827,98 pour la phase 3.
Point n'est besoin de préciser que nous sommes favorables à l'accompagnement financier de la ville par la Région. Nous devons néanmoins avoir un regard attentif sur ce chantier, car il s'agit à la fois de l'argent public et de la sécurité des personnes.
En effet, la difficulté essentielle qui se pose dans la réalisation de ces travaux, c'est celle de la maîtrise de l'eau.
Toute cette zone, de l'entrée de la route de Moutte jusqu'au COPES, se trouve sur un bassin versant parcouru par des nappes d'eau. Les anciens du quartier se souviennent d'ailleurs des mares situées à proximité de "La Charmette". En 1993, quelques mètres plus loin, dans le même secteur, à Terrain Populo, un important glissement se produisait déjà, entraînant la destruction de plusieurs habitations et des déplacements douloureux de personnes âgées.
Ce phénomène, s'il n'est pas correctement maîtrisé, risque, à terme, de déstabiliser toute la colline, avec les conséquences que l'on imagine.
D'ailleurs, les bureaux d'études en géotechnique qui se sont penchés sur cette question sont en désaccord sur le fait de savoir si tout danger est écarté.
Ainsi, l'un d'eux, dans un rapport en date du 18 juillet 2012, conclut en ces termes :
"A partir de l'exploitation des piézomètres et des résultats des mesures de conductibilité, il nous semble prématuré d'exclure la présence d'une nappe d'eau."
Nous ajoutons qu'une commission ministérielle d'experts a, à partir d'avril 2013, pendant trois jours, procédé à une analyse technique des travaux en cours. La Région a-t-elle été destinataire du rapport de cette commission qui devait être remis dans les trente jours ? Pour notre part, nous demandons que ce rapport soit rendu public."
DES ÉTUDES TECHNIQUES DÉFAILLANTES
Le rapport s'interroge sur le classement en "zone jaune", dans le PPR de 2004, du secteur concerné par le glissement de terrain :
-"Les événements de 2011 tendraient-ils à mettre en cause le zonage de 2004 et la méthodologie adoptée à l'époque ?"
-"Dans le projet de révision de 2012 ( du PPR), la zone de Morne-Calebasse est encore classée en alėa moyen pour les mouvements de terrain. On peut s'étonner que l'emprise du grand glissement n'ait pas été placée en zone rouge dans laquelle les nouvelles constructions à usage d'habitations sont interdites, d'autant que le règlement de cette zone orange reste léger".
Le rapport pointe de lourdes défaillances dans les études techniques ayant servi de base aux travaux en cours :
-"On peut noter cependant que les essais simples d'identification des sols sont peu nombreux, que les mesures inclinométriques sont souvent de mauvaise qualité et que les mesures piézométriques sur tube ouvert ne permettent pas de détecter en général s'il y a plusieurs nappes";
-"les conditions hydrogéologiques, malgré un nombre important de données, ne sont pas suffisamment bien cernées";
-"la méconnaissance des conditions hydrauliques du sous-sol rend difficile la détection des zones ou des arrivées d'eau souterraine importantes pouvant déclencher de nouvelles coulées";
-"dans un compte rendu de visite du 8 mai 2011, le BRGM a présenté une "cartographie approximative du glissement et une estimation approximative de sa propagation éventuelle". Il est regrettable qu'un travail plus approfondi n'ait pas été mené pour préciser cette cartographie, tenant compte des reconnaissances effectuées depuis, de sorte que les autorités n'ont aujourd'hui à leur disposition que ce seul document".
Un annexe du rapport (le "Rapport géotechnique de Dominique Batista/CETE-Méditerranée) précise :
-"Ce scénario vraisemblable de nappe captive sous les argiles à blocs n'a pas été étudié malgré l'existence de sources thermales profondes recensées. Il convient de noter qu'aucune mesure de perméabilité n'a été réalisée alors que l'hydrogéologie constitue l'origine même de ce phénomène";
-"Dans les notes d'exécution, il semble que la cohésion des argiles soit uniquement négligée sur la surface de glissement. Cette démarche nous paraît dangereuse, car elle ne permet pas d'anticiper des potentiels extensions du glissement";
-" Compte tenu des incertitudes relatives à la lithologie, aux niveaux d'eau et aux caractéristiques des sols, il nous paraît regrettables qu'aucun calage de stabilité n'ait été réalisé sur les profils de calculs."
LES TECHNIQUES DE STABILISATION ET DE DIMENSIONNEMENT MISES EN QUESTION
Le rapport du Conseil Général de l'environnement et du développement durable n'est pas moins sévère sur l'appréciation des travaux en cours :
-"La solution d'un terrassement avec une pente finale de 11-13 est une solution extrême, insuffisamment étayée. D'autre solutions de stabilisation, en particulier au pied du glissement, n'ont pas été étudiées, alors que le glissement s'est probablement développé à partir de l'aval, par régressions successives";
-"Il est cependant difficile de valider totalement les dimensionnements réalisés par les bureaux d'études. Le calage initial est imparfait, des approximations importantes sont faites"...
-"Pour ce qui est de la RD 48, les parois cloutées, avec des clous de grandes longueur assurent une bonne stabilité de la plate-forme. Toutefois cette stabilité pourrait être remise en cause si le drainage, obtenu par un réseau dense de drains et barbacanes, perdait son efficacité (colmatage) et laissait la nappe remonter au-dessus d'une côté limite".
Le rapport géotechnique du CETE-Méditerranée ajoute :
-"Le contexte hydrogéologique et les niveaux (ou pressions) d'eau à l'origine du glissement ne sont pas totalement maîtrisés".
Ces analyses confirment donc nos interrogations, exprimées lors de la plénière du Conseil Régional du 18 juin 2013.
LES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION
Tout en affirmant qu'il n'est pas question de revenir sur ce qui a été fait, la mission fixe un certain nombre de recommandations :
-"Pour ce qui est de la dernière phase des travaux, non encore financée, la mission recommande que des solutions alternatives soient étudiées, en mettant l'accent sur le drainage plutôt que sur des mouvements de terres considérables. Pour optimiser et fiabiliser les solutions adoptées, une étude hydrogéologique approfondie doit être réalisée et le suivi inclinométrique doit être renforcé".
-"S'agissant du risque de coulée de boue, clairement surévalué, la mise en place d'une barrière de protection, permettant de réduire à très court terme la zone d'évaluation, est suggérée";
-"Dans une perspective de traçabilité et de sécurité juridique, la mission recommande que soient formalisés les critères d'évacuation et le processus de décision";
-Il est recommandé de "conditionner les subventions de la phase 3 à une optimisation technique et économique, en fonctions des recommandations techniques faites dans le rapport";
-"La révision du PPR, actuellement à l'enquête publique, doit être menée à son terme. Le secteur mobilisé par le glissement doit être rendu inconstructible".
Telles sont donc les grandes conclusions de ce rapport que nous avons voulu soumettre à la lecture du plus grand nombre.
FRANCIS CAROLE
Fort-de-France
Lundi 23 septembre 2013
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