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lundi 5 novembre 2012

LES DESSOUS DE LA « JUSTICE » FRANCAISE EN MARTINIQUE (A propos d'un article de « Libération »)



Voici ce que publie le journal « Libération » dans sa livraison du samedi  3 novembre 2012. On apprend ainsi comment la hiérarchie fait pression sur des fonctionnaires pour étouffer certaines affaires.

TOTALITE DE L’ARTICLE :

« Déontologie . Aux Antilles, un fonctionnaire risque une sanction pour avoir dénoncé une mairie.

Par RENAUD LECADRE

Un fonctionnaire a-t-il encore le droit de dénoncer, de son propre chef, des faits potentiellement délictueux au parquet ? L’article 40 du code pénal fait obligation à «tout officier public qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou délit, d’en donner avis sans délai au procureur de la République». Dans sa simplicité, la loi parle de «toute autorité» ou de «tout fonctionnaire», sans que le second n’ait besoin du feu vert de la première.

Grand machin. Cas pratique avec Eric Avril, fonctionnaire aux Antilles, convoqué lundi par sa hiérarchie pour crime de lèse-majesté : avoir actionné l’article 40 sans en référer en haut lieu. C’est un ancien de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), désormais fusionnée avec la Direction du travail et de l’emploi en un nouveau conglomérat administratif, la Dieccte (Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi). Les ex de la DGCCRF, rompus à chicaner les entreprises, ont peu apprécié d’être sous la coupe d’un grand machin qu’ils soupçonnent d’être plus soucieux de préserver la paix sociale que de réprimer les fraudes.

Début octobre, Eric Avril alerte donc le parquet de Fort-de-France (Martinique). Ce n’est pourtant pas l’affaire du siècle : à propos d’un marché de construction sur la commune de Case-Pilote, dirigée par un cacique local de l’UMP, il s’étonne qu’une entreprise locale n’ait toujours pas été payée alors que l’Etat français avait débloqué les fonds dans le cadre de son plan de relance. La mairie aurait-elle conservé une partie de l’argent, au risque d’entraîner la faillite d’un entrepreneur local ? Simple soupçon qu’Eric Avril transmet au parquet sous couvert d’article 40.

La réaction du procureur, Claude Bellenger, est étonnante. Il écrit illico à la Dieccte : «J’ai l’honneur de vous faire retour du dossier transmis directement par l’un de vos fonctionnaires, sans passer par la voie hiérarchique. Ce comportement ne me paraît pas conforme à la déontologie élémentaire d’un fonctionnaire.» Et la Dieccte de convoquer dans la foulée Eric Avril pour une explication de gravure,«avec la possibilité de vous faire accompagner par un représentant du personnel», prélude à une procédure disciplinaire.

«Hypocrisie». Les syndicats FO et CGT sont vent debout : «Pressions, avertissements, mesures de rétorsion, voila le sort réservé aux fonctionnaires qui font leur boulot. Tout fonctionnaire a pourtant le devoir d’informer le procureur. Qui veut-on protéger ? Pourquoi une telle hypocrisie sous le fallacieux prétexte qu’il n’aurait pas respecté la voix hiérarchique ?» Une collègue raconte la suite : «On lui a retiré de façon arbitraire toutes ses prérogatives, on ne lui donne plus d’enquête, tout qu’il peut faire est contesté» , bafouant la lettre comme l’esprit de la loi. »

Madame Taubira et le gouvernement socialiste se décideront-ils à mettre enfin un terme à ces dérives dans les départements-colonies ?

jeudi 22 mars 2012

DU CARCAN NEO-COLONIAL AU PRET-A-PORTER DEMOCRATIQUE



L'Afrique de l'Ouest et l'Afrique Centrale sortent timidement de leurs errements. Ces régions tentent de se défaire progressivement de leur étouffante tunique de Nessus maillée d'oppression de mal-développement, de corruption; et présentée, depuis toujours , comme une fatalité.

Les derniers indicateurs de développement humain au sens de l'ONU (niveau de vie moyen, éducation, santé...) les place dans le peloton de tête des régions gangrenées par la corruption.

Cependant, des progrès voient le jour. En France, par exemple, l'enquête sur les "biens mal acquis" s'accélére après une étonnante lenteur du parquet de Paris.L'instruction judiciaire ouverte en 2010 vise les conditions dans lesquelles trois chefs d'Etat africains: Teodoro Obiang Guema ( Guinée équatoriale), Ali Bongo (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo) auraient acquis, grâce aux deniers publics, un important patrimoine mobilier et immobilier en France.

La cellule antiblanchiment de Bercy, "Tracfin", avait déjà alerté le parquet de Paris, il y a plus de 10 ans, sur des mouvements financiers suspects concernant l'entourage de ces trois chefs d'Etat africains.

Lors de campagne présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy avait promis la rupture avec la "Françafrique". Il n'aura pas tenu cet engagement. Le mandat du président sortant, malgré quelques avancées comme les accords de défense liant Paris à plusieurs pays du continent et la réconciliation avec le Rwanda, restera marqué par la crise post-électorale en Côte d'Ivoire dénouée grâce à l'intervention décisive de l'armée française.

Conséquence, entre autres, de cette gabegie; plus de la moitié des habitants de ces régions végètent dans la pauvreté. Le chômage assombrit l'avenir des jeunes qui représentent les deux tiers de ces populations. Par ailleurs ces zones manquent cruellement d'équipement et d'infrastructure. Le tableau paraît sombre...Cependant, une lueur d'espoir point à l'horizon...

Les indicateurs macroéconomiques semblent un motif de satisfaction. La croissance est en moyenne de 4 % à 5% par an.L'inflation est contenue. Les déficits publics excèdent rarement 3 % du PIB et les dettes publiques comprises entre 40 et 45% du PIB. Du point de vue économique global, des chiffres à faire pâlir les anciennes puissances coloniales.

Reste pourtant à se débarrasser de cet ancien carcan -cette fameuse tunique de Nessus- pour se vêtir d'un nouveau costume, croisé de démocratie économique et de démocratie politique, et être prêt, désormais, à le porter.

Max PIERRE-FANFAN

journaliste

vendredi 1 juillet 2011

Wikileaks révèle : Youri Latortue «Mafieux... vendeur de drogue... Champion de la corruption politique» Par Kim Ives


Youri Latortue est l’un des politiciens les plus puissants d’Haïti. Sénateur au franc-parler, il est un allié du président haïtien Michel Martelly. Tous deux comptent parmi les principaux défenseurs du rétablissement de l’armée haïtienne démobilisée. 


Il a soutenu le candidat au poste de Premier ministre de Martelly, l’homme d’affaires néolibéral Daniel-Gérard Rouzier, qui a été rejeté par le Parlement à l’occasion d’un vote le 21 juin. 


Par ailleurs, Youri Latortue est également un trafiquant de drogue, un parrain de gang, et un chef d’escadron de la mort, selon le témoignage et les rapports de nombreux collègues, témoins d’actes criminels et fonctionnaires du gouvernement, haïtiens et internationaux. 


En fait, « le sénateur Youri Latortue pourrait bien être le politicien haïtien le plus effrontément corrompu », d’après l’ambassade des É.-U. 


Des câbles secrets du Département d’État des É.-U. obtenus par l’organisme WikiLeaks et analysés par Haïti Liberté dressent le portrait d’un caïd ambitieux sans vergogne et sans scrupules, qui a aidé à renverser des gouvernements haïtiens et qui a fait des Gonaïves, la quatrième ville d'Haïti, son fief personnel. 


Son ascension au pouvoir Né aux Gonaïves, Youri Latortue a fréquenté l’École de droit à Port-au-Prince avant d’être diplômé de l'Académie militaire d'Haïti en 1990. Il est devenu lieutenant dans les Forces armées d'Haïti (FAdH), enseignant brièvement à l'Académie militaire. Toutefois, après le coup d'État du 30 septembre 1991 contre le Président Jean-Bertrand Aristide, Latortue a rejoint les rangs de la notoire unité antigang de l’armée (auparavant connue sous le nom de Recherches criminelles) dirigée par le colonel Michel François, l’un des principaux dirigeants du coup d'État. « C’était de notoriété publique qu’il avait pris part à nombre des meurtres politiques durant le coup d’État de 1991-94, particulièrement à celui du Père Jean-Marie Vincent au mois d’août 2004, » a expliqué un ancien haut placé de l’appareil de sécurité du gouvernement sous couvert d’anonymat. « Il était l’un des chefs des ‘escadrons de la mort’ de Michel François.” 


En 2004, une délégation du Centre d’étude des droits humains écrivait qu’ « un ancien haut placé de la police affecté à l’USGPN (sécurité du Palais), Edouard Guerrier... fait valoir que Youri Latortue a participé au meurtre en 1994 du prêtre catholique Jean-Marie Vincent (comme l’indiquaient des témoins oculaires en 1995), et qu’il a collaboré à l’assassinat en 1993 du militant pour la démocratie Antoine Izméry ». 


En 2005, un policier des É.-U. avec la Force de police des Nations unies (UNPOL) a filmé une interview qu’il a réalisée avec une jeune femme qui craignait pour sa vie « parce que le 28 août 1994, j’ai été témoin de l’assassinat par Youri Latortue du prêtre du nom de Jean-Marie Vincent, », a-t-elle dit. La vidéo, diffusée en octobre 2010 par le Projet d'information sur Haïti (HIP), est maintenant disponible sur YouTube. Elle décrit comment elle a vu le prêtre conduire jusqu'à son entrée cette nuit là. « C’est alors que j’ai vu... une camionnette blanche avec un groupe d’hommes en noir », a-t-elle poursuivi. « J’ai vu Youri... Je [n’ai pas reconnu] les autres. Mais la raison pour laquelle j’ai reconnu Youri [est] parce qu’il savait venir chez [nom retiré]. Et je l’ai vu sortir de la [camionnette] et tirer sur la voiture. Mais à ce moment je ne savais pas que [la victime] était un prêtre... Je ne connaissais pas la personne qui se trouvait dans la voiture. »Ce n’est que plus tard que j’ai appris de qui il s’agissait (voir Haïti Liberté, Vol.4, No.14, 10/20/2010).


 L’interview filmée a été envoyée à HIP avec la note suivante : « L’ONU n’est pas intéressée à poursuivre cette affaire ou à révéler cette preuve malgré les déclarations d’un témoin oculaire que Youri Latortue est celui qui a appuyé sur la détente et tué le Père Jean-Marie Vincent le 28 août 1994.... C’est un déni de justice que l’ONU ait refuse de faire part de ce témoignage au public. Ils sont censés être impartiaux mais Latortue a des amis puissants à l’ambassade des É.-U. qui le considèrent comme un atout depuis son rôle après le renversement d’Aristide en 2004 ». 


Après son retour d’exil le 15 octobre 1994, Aristide a démobilisé les FADH au début de 1995, et Latortue a été muté à la force de Police intérimaire, composée d’anciens soldats des FAdH. 


Dr. Fourel Célestin, ancien colonel des FAdH, a été nommé au poste de conseiller à la sécurité du président Aristide, et il a proposé d’intégrer Youri Latortue à la sécurité du Palais sous son égide. « Aristide y était totalement opposé car il avait entendu les rumeurs du rôle meurtrier de Latortue durant le coup d’État », de dire l’ancien membre du gouvernement. « Mais Célestin l’a convaincu, arguant que le Palais se devait de posséder certains des mauvais éléments de l’armée pour démanteler et neutraliser la force ». Aristide a cédé. 


En mars 1995, des assassins inconnus ont abattu la porte-parole pro-coup d’État bien connue, Mireille Durocher-Bertin, et un autre passager de sa voiture la veille de la visite du président Bill Clinton en Haïti. 


Cet assassinat a considérablement embarrassé le gouvernement Aristide et Clinton. Une équipe d'agents du FBI a passé du temps à enquêter sur le meurtre en Haïti, et Youri Latortue comptait parmi leurs suspects. Washington a retiré le visa de voyage aux É.-U. de Latortue. 


Latortue a travaillé au bureau du Palais de Célestin jusqu’en 1996, quand le président René Préval a pris le pouvoir. Washington a insisté pour que certains officiers des FAdH considérés comme étant trop proches d’Aristide – Célestin, les majors Dany Toussaint et Joseph Médard – soient écartés de la direction de la nouvelle police et de deux nouveaux contingents de sécurité du Palais : L’USP (Unité de sécurité présidentielle), semblable aux services secrets des É.-U., et l’USGPN (Unité de sécurité générale du Palais national). 


Lorsqu’ils ont été démis de leurs fonctions, cela a laissé un vide dans le commandement de la sécurité du Palais, un vide qui a été comblé par Latortue. Il est devenu chef adjoint de l’USGPN sous Frantz Jean-François. Deux agents de sécurité pro-Lavalas jugés plus dignes de confiance – Nesly Lucien et Oriel Jean – ont été choisis pour diriger l’USP. Cet arrangement a duré pendant tout le mandat de Préval (en dépit de ses graves inquiétudes au sujet de Latortue, comme nous le verrons) jusqu’à ce qu’il laisse la place à Aristide en 2001.   


Aristide revient, Youri prend congé « Après l’accession au pouvoir d’Aristide, d’autres policiers de l’USGPN ont trouvé [Latortue] ‘hostile’ envers son nouveau Président, qui était préoccupé par son implication dans un‘complot,’ d’après la radio appartenant à l’élite haïtienne, Signal FM, le 21 février 2001 », écrit le journaliste d’enquête canadien Anthony Fenton, dans un article de Znet de juin 2005 intitulé « Have the Latortues Kidnapped Democracy in Haiti? [Les Latortue ont-ils kidnappé la démocratie en Haïti ?] ». 


À ce moment-là, Latortue a été transféré du Palais pour aller travailler sous Nesly Lucien, qui avait été nommé chef de police. 


Mais à la fin de 2001, Latortue a pris un congé payé de la police pour aller poursuivre une maîtrise en Droit au Canada. Il « a vécu a Miami, [et] étudié à Montréal pendant deux ans »a-t-il raconté à Fenton lors d’une interview téléphonique de juin 2005. 


C'est à cette époque que Latortue a reçu la visite de Stanley Lucas, un représentant de l'International Republican Institute (IRI), une tentacule du National Endowment for Democracy (NED) du gouvernement des É.-U., d’après notre source. L'IRI jouait un rôle central dans l'organisation de l’« opposition civile » à Aristide, principalement le soi-disant « groupe des 184 », dirigé par le magnat des ateliers de misère, Andy Apaid. Mais Lucas était également en contact avec l’« opposition armée » de l’ancien soldat et chef de police haïtien, Guy Philippe en République dominicaine. C’est là que Youri allait entrer en scène. 


En 2002 et 2003, Latortue a fait la navette entre les États-Unis, le Canada et la République dominicaine, pour rencontrer Guy Philippe, l’ancien chef de l’escadron de la mort FRAPH , Jodel Chamblain, et d’autres membres des « rebelles » qui se formaient, s’entraînaient et lançaient des raids contre Haïti. 


Fait intéressant, le visa de voyage aux États-Unis de Youri, qui avait été suspendu en 1995, a été rétabli en 2002 lorsqu’il s’est mis à jouer le rôle d’intermédiaire anti-Aristide. « Nous savons que Youri a été l’un des auteurs intellectuels, l'un des principaux planificateurs, de l'attaque contre le Palais national le 17 décembre 2001», lorsqu’une bande des « rebelles » de Philippe a brièvement pris le Palais national à l’occasion d’un coup d’État raté, a expliqué notre source bien placée. « Dans le cadre de l'enquête après l'attaque, nous avons appris que c’étaient les gens de Youri – ses protégés – dans l’USGPN, travaillant à l'intérieur du Palais, qui ont laissé les attaquants s’introduire dans l’enceinte du Palais. » 


Enfin Lucas, Latortue, Philippe, l’IRI et les 184 ont réussi leur campagne de déstabilisation après qu'une équipe SEAL des É.-U. eut enlevé Aristide à son domicile le 29 février 2004, complétant le deuxième coup d'État contre ce dernier. 


Après le coup d’État de 2004 Youri Latortue s’est alors envolé pour Haïti accompagné de son cousin au deuxième degré, Gérard Latortue. Quelques semaines plus tard, Gérard Latortue a été installé comme Premier ministre de facto. Youri Latortue, souvent appelé le « neveu » de Gérard a été nommé chef de sécurité et chef espion, avec le titre de « responsable des services de renseignements de la Primature ». 


« Le problème était que Gérard avait travaillé pour des organisations internationales outre-mer la majeure partie de sa vie et n’avait pas vraiment de repères en Haïti, », explique notre source. « Il dépendait largement de Youri pour le guider. En ce sens, Youri était pratiquement le Premier ministre dans les coulisses. Et pendant ce coup d'État, il fut le principal responsable du massacre de nombreux militants au Bélair, à Cité Soleil et d’autres poches de résistance ». 


Dans ces fonctions, Latortue a été « surnommé ‘Monsieur 30 pour cent’ à cause du pourcentage qu'il exigeait en échange de faveurs », écrit Thierry Oberlin dans l’édition du 21 décembre 2004 du Figaro. 


«Inquiet, non sans raison, pour sa propre sécurité, le Premier ministre verse 20 000 euros par mois à cet ancien policier impliqué dans divers scandales pour ‘organiser un service de renseignements’.» 


Mais quelque chose d’intéressant survenait en 2004; Gérard Latortue a quitté Haïti pour se rendre à une conférence au Canada, en passant par Miami. Youri faisait partie de sa délégation. Mais en Floride, les agents des É.-U. ont détenu Youri pour son implication présumée dans le trafic de drogue.


(Joel Deeb, un trafiquant d'armes haïtiano-américain qui aurait fait des affaires avec Youri Latortue, « a déclaré que Youri Latortue a actuellement quatre mises en accusation scellées de la DEA qui pèsent contre lui, et que la DEA a fais parvenir une lettre pour l’extradition de Youri Latortue au gouvernement intérimaire »,a appris Fenton à partir de nombreuses interviews avec Deeb entre avril et juin 2005. « Youri Latortue, pour sa part, a esquivé les questions au sujet des accusations de la DEA, niant que Deeb et lui, comme le prétend Deeb, étaient en contact régulier. ») 


Gérard Latortue a téléphoné aux responsables à Washington et demandé que Youri soit relâché. Les responsables aux É.-U. ont finalement dit qu’ils ne détiendraient pas Youri, à condition que celui-ci prenne le prochain avion pour Haïti, ce qu’il fit. « Lorsque Gérard est retourné en Haïti après sa visite au Canada, il s’est entretenu avec Youri à propos de l’incident et sur sa vulnérabilité aux poursuites », explique notre source. « Ils ont décidé que la meilleure solution était que Youri devienne un élu, ce qui lui conférerait l’immunité contre les poursuites. Voilà pourquoi et comment la carrière politique de Youri a débuté, assuré par Gérard, sous qui son élection était garantie. »” 


Ainsi, sous le gouvernement de son « oncle », Youri a été élu pour un mandat de six ans comme premier sénateur du département de l’Artibonite lors de l’élection du 7 février 2006 qui a également amené Préval à la Présidence pour la deuxième fois. 


Voilà à partir d’où les câbles de l’ambassade des É.-U. reprennent le fil du récit. Un trafiquant de drogue et kidnappeur au Palais ? 


Quand Youri Latortue travaillait au Palais sous Aristide et René Préval, aucun des deux présidents n’était à l’aise avec sa présence et ils savaient que Youri Latortue trempait dans des activités illégales. Mais ils craignaient de prendre des mesures contre lui. 


« Parmi les observateurs politiques, c'est un article de foi que Latortue était impliqué dans le trafic de drogues sous Aristide et durant les premières administrations de René Préval », a rapporté l’ambassadrice des É.-U., Janet Sanderson, dans un câble du 27 juin 2007 à l’intention de Washington. « Préval lui-même a rapporté que Latortue ‘trafiquait de la drogue’ à partir de son bureau au Palais durant le mandat d’Aristide. » Préval a fait les mêmes affirmations au successeur de Sanderson, l’actuel ambassadeur Kenneth Merten, qui a rapporté dans un câble secret du 6 octobre 2009 que le président haïtien avait « également fait part de ses préoccupations concernant le manque d’intégrité du président de la Commission du Sénat sur la sécurité et la justice, le sénateur Youri Latortue, mentionnant les liens qu’il avait avec le trafic de drogue. 


Il a soutenu son point de vue en rappelant le refus présumé du gouvernement des É.-U. de laisser entrer Latortue aux États-Unis » en 1995 et 2004. L'ambassade des États-Unis a traité Latortue avec méfiance lorsqu'il est retourné en Haïti en 2004.


Le premier conflit qu’ils ont eu avec lui est survenu lorsque ce dernier a pris l’initiative de dire à « certains des ex-soldats du Cap-Haïtien », qui avaient participé à la « rébellion » de Guy Philippe, « qu’ils seraient admis dans la PNH ». « Cela a sonné l’alerte pour nous et pour le reste de la communauté internationale et a fait l’objet d’une réunion du Noyau le 12 mars », rapporte le prédécesseur de Sanderson, l’ambassadeur James Foley, dans un câble du 15 mars 2005. 


Les É.-U. et ses alliés ont été voir Gérard Latortue qui « a assuré que tel n’était pas le cas ». Leur faisant plaisir en « admettant publiquement que la PNH ne constituait pas une option automatique pour les anciens des FADH ». 


Deux mois plus tard, un membre bien connu de la bourgeoisie haïtienne, l’homme d'affaires Fritz Mevs, faisait part à l’ambassade des É.-U. que « des trafiquants de drogue colombiens » travaillaient avec une « petite clique d’individus puissants et bien introduits, dont Youri Latortue... pour créer une entreprise criminelle qui se nourrit de l’instabilité et l’alimente », écrit Foley dans un câble du 27 mai 2005. Youri faisait partie d’« une petite camarilla de trafiquants de drogue et d’intrigants politiques qui contrôlent un réseau de policiers corrompus et de gangs, responsables [...] de la perpétration de kidnappings et de meurtres... » 


L’ambassade était également préoccupée par le fait que Youri commençait à s’aliéner certains membres de la coalition anti-Lavalas qui avait chassé Aristide du pouvoir, surtout les étudiants. Ils commençaient à ne plus faire confiance au gouvernement intérimaire d’Haïti, tel que l’on nommait le régime de facto de Latortue, à cause des « rumeurs qui couraient à l’effet que le gouvernement intérimaire d’Haïti (notamment Youri Latortue) créait une ‘cellule de renseignements’ au sein du mouvement étudiant à des fins politiques », écrit le chargé d’Affaires intérimaire, Douglas M. Griffiths, dans un câble du 6 juillet 2005.


Washington surveillait de près l’émergence d’Artibonite en Action (LAAA), le parti créé par Youri Latortue en 2005 pour se faire élire au Sénat. « Ce parti pourrait être financé par de l’argent de provenance délictueuse et a déjà été impliqué dans des violences liées aux gangs dans les quartiers défavorisés de Raboteau et Jubilée aux Gonaïves », écrit une autre chargée d'Affaires intérimaire, Erna Kerst, dans un câble du 30 novembre 2005. Alors qu’elle entrait en fonction à l’ambassade au début de l’année 2006, Sanderson, a également fait écho au fait que Youri Latortue est « largement soupçonné d’être impliqué dans des activités illégales », dans un câble du 16 juin 2006. 


Moins de deux mois plus tard, le 2 août, elle fait parvenir un autre câble rapportant qu’Edmond Mulet, le chef de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), était préoccupé par le fait que « le trafic de la drogue est devenu un problème de plus en plus alarmant, qui est difficile à combattre, en partie à cause des liens au trafic de la drogue au sein du gouvernement haïtien », écrit Sanderson. « Dans cette communication, il a mentionné le président du Sénat, Joseph Lambert, et le président de la Commission du Sénat sur la sécurité, Youri Latortue – décrivant ce dernier comme un ‘trafiquant de drogue’ ». 


Le trafiquant d’armes Joel Deeb a également qualifié Latortue de « caïd trafiquant de drogue, ‘ avec des liens étroits’ avec le chef paramilitaire Guy Philippe », a rapporté Anthony Fenton dans son article de ZNet. « Deeb a également dit que ‘tout le monde est au courant’ de l’implication de Youri Latortue dans les kidnappings », qui sévissaient en Haïti à l’époque. « Il est également de notoriété publique que Youri Latortue et son assistant, Jean-Wener Jacquitte,... font, au moins, office d’intermédiaires pour l’argent provenant des kidnappings », a poursuivi Fenton. « Ceci a été confirmé par des sources dans les cercles diplomatiques, de même que par des sources à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement de facto haïtien ». 


Dans un câble du septembre 2006, Sanderson a rapporté que Youri a été en mesure « d’embaucher ses‘petits amis’ pour gérer les opérations de la douane aux Gonaïves » et, dans un câble de novembre 2006, que le juge des Gonaïves, Napela Saintil, qui avait présidé au procès emblématique du massacre de Raboteau en 2000 (auquel Youri Latortue « a refusé de témoigner »), considérait Latortue comme son « ennemi juré » et a « accusé un agent de sécurité de Latortue, Léon Leblanc, d’avoir tenté de l’assassiner en mars 2004 ». 


L’un des câbles les plus édifiants de Sanderson est sans nul doute celui daté du 20 novembre 2006. Il tire sa source d’une réunion du 9 novembre qu’a eue l’un des proches associés de Youri (dont le nom a été retiré de ce rapport et du câble affiché sur le site de WikiLeaks pour sa protection) avec des responsables politiques de l’ambassade. Le collègue « a fait part aux responsables politiques de ses préoccupations concernant les activités illégales ou peu recommandables de Latortue dans la ville portuaire des Gonaïves et d’autres secteurs de l’Artibonite », a écrit Sanderson. « Les liens de famille de Latortue et sa proche association avec les gangs armés et des trafiquants de drogue lui permettent de manipuler la région ». 


Un politicien ambitieux « La famille Latortue étend partout ses tentacules dans la politique haïtienne », a confié l’homme à l’ambassade en Haïti. « La sœur de Youri à déjà été mairesse des Gonaïves, et l'ancien délégué de la région était également l’un de se cousins. L’administration a rempli les bureaux locaux et municipaux d’Haïti par décret présidentiel durant le gouvernement intérimaire. 


Le sénateur Latortue exerçait une influence sur ces nominations par l’entremise de ses relations avec le Premier ministre du gouvernement intérimaire, Gérard Latortue, et a réussi à placer des membres de son parti dans la plupart des postes à travers l’Artibonite. Le sénateur s’est servi de ces gens pour consolider son pouvoir et son influence dans la région jusqu’à ce que le nouveau délégué de l’Artibonite nomme de nouveaux responsables locaux et régionaux qui n’étaient pas inféodés au sénateur Latortue ». Le collègue a comparé « l’autorité du sénateur Latortue dans la ville portuaire des Gonaïves à celle d’un parrain de la mafia », poursuit le câble. « Il a affirmé que le port quelque peu léthargique et la drogue et les autres trafics qui y ont cours sont totalement sous le contrôle du sénateur. 


Le port des Gonaïves est largement sous le contrôle du gang de l’Armée cannibale, qui fait face à la concurrence persistante des deux autres gangs, Des Cahos and Jubile Blan.  


Le sénateur Latortue exerce une influence sur les trois groupes et est ainsi en mesure de garder la main mise sur le port. Parmi les autres entreprises de Latortue aux Gonaïves on compte une boîte de nuit et une salle de cinéma, toutes les deux d’une légitimité douteuse » Sanderson a également remarqué qu’« une organisation populaire souvent perturbatrice de Saint-Marc du nom de ‘Bale Wouze’ a récemment accusé le sénateur d’avoir distribué des armes dans le but de déstabiliser le gouvernement ». 


Le collègue de  Latortue « a téléphoné à l’ambassade le 16  novembre pour appuyer les accusations de Bale Wouze, et également pour rapporter un autre incident au cours duquel le sénateur Latortue et ses amis volaient des poteaux et des boîtes de service téléphoniques de Port-au-Prince pour être utilisés aux Gonaïves ». Le collègue a décrit comment Youri était un politicien rusé. 


« Après les immenses inondations dans l’Artibonite en septembre [2006], le gouvernement central avait donné des approvisionnements d'urgence à être distribués aux victimes des inondations », écrit Sanderson, mais le « sénateur Latortue a intercepté les provisions et les a temporairement cachées quelque part aux Gonaïves, avant de les apporter aux victimes comme s’il était personnellement responsable de cette distribution de vivres ». 

lundi 20 juin 2011

« Lisez bien M. le Président, les preuves sont là »


Le directeur exécutif du RNDDH est totalement déçu du traitement accordé par le chef de l'Etat à sa correspondance relative à la présence d'éléments à la « moralité douteuse » dans son service de sécurité. Si Michel Martelly exige des preuves tangibles avant d'agir, Pierre Espérance lui fait savoir sur les ondes de Radio Magik 9 que les preuves sont sous ses yeux. Il n'a qu'à bien lire la lettre. Une polémique qui fait couler beaucoup d'encre. Pour sa part, le politicien Evans Paul croit que Martelly aurait pu gérer le dossier autrement.
Le président de la République devrait essuyer ses lunettes pour bien lire la correspondance que lui a envoyée le Réseau national de défense des droits humains, si l'on en croit les déclarations de Pierre Espérance, directeur exécutif du RNDDH. La lettre est claire et contient toutes les preuves, avec des dates précises qu'exige le chef de l'Etat, a souligné le responsable de l'organisme de défense des droits humains. « Nous n'affirmons jamais des choses qui ne soient accompagnées de preuves », a-t-il martelé vendredi sur les ondes de Radio Magik 9, à l'émission "Panel Magik".

Le président Martelly a fait une très mauvaise gestion de ce dossier si important, de l'avis de Pierre Espérance. « Nous étions prêts à discuter avec les autorités sur chacun des cas. Malheureusement, cela ne les intéressait pas... », a-t-il regretté.

Cette correspondance adressée au président Martelly n'était pas une lettre ouverte. La présidence en a fait une bien mauvaise gestion en la commentant sur la place publique, s'est désolé Pierre Espérance. 

Les archives de la PNH sont là. Le président sait où trouver les preuves. Il est supposé aller vers les institutions, a-t-il poursuivi. On ne peut pas parler de l'établissement de l'Etat de droit, de lutte contre l'impunité, de combattre l'insécurité quand dans son entourage on a des gens impliqués dans des affaires de drogue, a avancé le responsable du RNDDH. 

« Nous ne devons aller chercher des preuves ni à Washington ni dans des ambassades, ni au FBI, ni attendre que la DEA vienne les arrêter. Elles sont dans les institutions. Je doute fort que le président soit à la recherche de preuves. La DEA ne va pas sortir de ses tiroirs des rapports internes pour prouver quoi que ce soit. Elle dira tout simplement qu'elle a des doutes sur le passé de telle ou telle personne... », a souligné M. Espérance.

Interrogé sur les menaces de poursuites judiciaires contre le RNDDH de l'ancien commissaire de police Guy Philippe, indexé dans la lettre de l'organisme de défense des droits humains, Pierre Espérance n'a même pas fait cas des déclarations du leader du FRN qui se targue d'être un bon ami du président Martelly. « Le RNDDH ne répond jamais à des individus impliqués dans des dossiers qu'il a soulevés. »

Pour sa part, Evans Paul, porte-parole de la plateforme politique Alternative, invité également à l'émission «Panel Magik», a estimé que le président Martelly aurait une meilleure image dans cette affaire s'il avait effectivement confirmé avoir reçu la lettre, l'avoir transférée aux institutions concernées, et dit attendre un rapport, sans pour autant préciser les institutions concernées. 

« Je pense que M. Martelly ne devrait pas se préoccuper de sa personne ni de ses amis. Il doit être sensible à l'image du pays. Il ne doit pas se mettre en première ligne lorsque ce genre de situation se présente. Selon M. Paul, le chef de l'Etat aurait dû laisser à son porte-parole le soin de réagir sur le dossier avant de se positionner. » 

Pierre Espérance a toutefois réaffirmé la volonté du RNDDH de poursuivre son travail qui vise le renforcement des institutions publiques, tout en reconnaissant que cette lutte n'est pas facile.

Robenson Geffrard