mercredi 11 mars 2020

« Enfants de la Creuse »




 Notre histoire jusqu'au Japon, c'est une histoire universelle De Matthieu Bonhomme journaliste à Asahi Shimbun que nous remercions pour son soutien

L’introduction précise que 2015 enfants ont été déplacés de l’ile de la Réunion aux régions rurales hexagonales à plus de 9000km. Certains ont subi des discriminations et des maltraitances. Aujourd’hui encore, ils souffrent de la perte de leurs origines.

1ère partie sur l’histoire de Valérie Andanson

En 1966, à 3 ans, elle a été déplacée de la Réunion à la Métropole. Elle a un flash : le souvenir d’un avion plein d’enfants. Elle est arrivée dans la Creuse, une région rurale. Dans sa première famille d’accueil, elle a subi des violences et maltraitances de la part de l’homme de cette famille. Elle se cachait sous une table par peur de lui. 
Quatre ans plus tard, une famille, l’a adopté dans la Creuse. On lui a dit alors que c’étaient ses parents biologiques. Sa pièce d’identité de l’époque affiche qu’elle est née dans la Creuse. Elle a souffert d’harcèlement scolaire, de discrimination raciale, elle était la seule personne de couleur. 
A 16 ans, elle a cherché un document demandé par sa mère, et par hasard, elle a trouvé un document attestant de son adoption. A ce moment, elle a appris qu’elle était originaire de l’île de Réunion. Désespéré, elle a pleuré mais elle a aussi appris qu’elle avait des frères et sœurs. Elle les avait vu dans la ville sans le savoir. 
A 32 ans, elle visite l’ile de la Réunion, son lieu de naissance, pour la première fois. Cette visite lui a donné l’impression d’une nouvelle voie pour sa vie. 
En 2003, elle part à la Réunion, à la recherche de ses origines en passant un appel à témoins à la radio locale. Une personne la contacte et lui annonce être son parrain. Malheureusement, il lui dit de trouver ses origines elle-même. Le tabou est trop fort à la Réunion. 
En 2016, elle apprend que son père biologique est toujours en vie. 
Elle vit aujourd’hui à Cavaillon et retournera cette année sur l’ile. Elle essayera de voir cet homme, de confirmer s’il est son véritable père et de connaitre les raisons de cet abandon. Elle se bat aussi pour « retrouver ma véritable identité : ça sera ma troisième naissance ».

2ème partie sur l’histoire de Marie-Céline MARCOU

En 1965, c’est à l’âge de 15 ans que Marie-Céline, 69 ans aujourd’hui, quitte le foyer dans lequel elle était placée sur l’ile de la Réunion. Elle vit maintenant en Corrèze. A son arrivée en métropole, elle a suivi l’enseignement ménager dans un établissement religieux. Elle a écrit une lettre aux autorités pour dire qu’elle souhaitait rentrer sur l’île, mais cette lettre est restée sans réponse. Elle était vraiment désespérée de ne jamais revoir son île. Elle a été accueillie plus tard dans une famille de Corrèze. Elle a ensuite rencontré son futur mari. Aujourd’hui, elle a aujourd’hui 2 enfants et 4 petits-enfants. Fonder une famille l’a aidé à combler le vide dans son cœur. 
Elle est allée pour la première fois, trentenaire, à la Réunion. Lui est alors revenue l’odeur des fruits et des fleurs, c’était incroyable. Mais elle avait vécu trop longtemps en métropole et se sentait étrangère là-bas : ni métropolitaine, ni réunionnaise. L’Etat l’a déraciné, selon elle. Pendant longtemps Marie-Céline confie qu’elle « a eu peur qu’on lui enlève ses enfants ». 
En 1999, son père biologique est soudainement venu à elle, mais cela n’a pas suffi pour combler sa quête d’identité. « C’était trop tard » selon elle. 

3ème partie consacrée au rôle de l’Etat / évolution après les années 2000

A partir des années 2000, l’affaire a été commencé à se faire connaitre au niveau national. Un ancien mineur transplanté a porté plainte contre l’Etat, histoire qui fut relayée par les médias à l’époque. 
En 2014, l’Assemblée Nationale a fini par adopter une résolution en 2014 reconnaissait que l’Etat a manqué à sa responsabilité morale. 
En 2018, l’Etat a publié un rapport de 688 pages. Dans le contexte de l’époque, la population d’un pays était vu comme un facteur de puissance. La politique menée alors est justifiée pour lutter contre le chômage sur l’île de la Réunion et le manque de main d’œuvre dans l’Hexagone. 
Certains enfants ont été exploités dans les champs agricoles, dans les familles d’accueil pour les taches ménagères. Toutefois, le rapport précise qu’il n’y a pas de preuve juridique d’enlèvement. 
Selon Mme Andanson, également membre de l’association, les points communs de tous ces enfants était leur condition de pauvreté. Certains parents ne savaient pas lire et dans certains cas, on ignore toujours si un accord financier a pu exister. 
L’association demande aujourd’hui des excuses officielles de l’Etat, la déclassification totale des archives et l’inscription de cette histoire dans les manuels scolaires. 
En 2017, le Président de la République Emmanuel Macron a écrit que cette politique était une « faute » mais n’a pas fait d’excuse publique. En France, l’Histoire est un terrain sensible. Comme par exemple lorsque Emmanuel Macron avait qualifié la colonisation de l’Algérie de « crime contre l’humanité », certains politiciens avaient protesté jugeant ces propos « insultant contre la France ». 

Encadré sur les mineurs transplantés : 2015 enfants entre 1962 et 1984, sous prétexte de sauver les enfants de la pauvreté, mais en réalité beaucoup d’entre eux ont souffert de discrimination, du désespoir de ne plus rentrer à l’Ile. Ces ex-enfants sont communément appelés « enfants de la Creuse », département où beaucoup ont été transplantés.


21 Février 2020