dimanche 8 janvier 2012

Arrêter la course vers l’enfer

LES PIEDS DANS LE PLAT

Le Conseil Électoral Provisoire a finalement publié les résultats du premier tour. Il a fallu cette journée folle de protestation d’une population en colère, puis des pressions de toutes sortes de la communauté internationale mettant à mal le peu de ce que nous disposons de souveraineté et tout simplement de dignité, pour qu’on puisse faire plier un pouvoir décidé à aller jusqu’au bout d’une logique ancestrale organisée autour de la pensée qui veut qu’une fois au pourvoir il faut le garder à tout prix. On aurait pu tout simplement organiser dès le départ des élections crédibles. On aurait pu empêcher toutes ces magouilles. Pourquoi ne l’a-t-on pas fait ? La question devrait être posée à nos psychologues et même à nos psychiatres.
Car la question est là et bien peu osent la poser. Madame Manigat ou Michel Martelly ou pouvoir, rien ne dis qu’on ne va pas tomber dans le même cas de figure. Un pouvoir qui veut perdurer, un président qui se sert des malfrats pour faire peur à la société, un président qui fait la promotion de l’ignorance, un président qui fait le choix de domestiquer les institutions, des institutions qui alimentent le jeu macabre en proposant n’importe qui au CEP et qui avancent ensuite comme excuse à leurs choix toujours approximatifs que le pouvoir achètera de toute manière la personne présentée, etc. Comment expliquer le fait qu’on soit toujours dans les mêmes réflexes, les mêmes schémas, la même misère, la même médiocrité ?
Les mêmes causes produisant en général les mêmes effets, il est vraiment temps de chercher les causes de cette éternelle comédie. Et l’une des causes principales est certainement cette conception malsaine que nous avons du pouvoir – à quand une vaste campagne d’éducation civique et citoyenne sur ce thème ? – et cette mentalité d’apartheid héritée de l’époque coloniale qui perdure malheureusement jusqu’à aujourd’hui. Le pouvoir est toujours vu comme espace de jouissance, espace de privilèges, espace permettant de se prémunir le plus longtemps possible contre la pénurie, espace permettant à sa famille proche et élargie, puis à son clan de profiter au maximum du peu de richesses dont la nation dispose. Autour du pouvoir gravitent tous ceux qui veulent entrer dans le cercle des profiteurs. Il y aussi les pires, ceux qui s’ingénient consciemment ou inconsciemment à faire en sorte, par leurs conseils et leurs propositions, que le nouveau prince rentre toujours dans le moule avec comme résultat ce que nous savons. Bref, le pouvoir politique en Haïti est vraiment le lieu ou nos pathologies mentales s’expriment avec le maximum de virulence.
Proposez à quelqu’un un poste de ministre ? Il ne se posera même pas la question s’il est capable ou non, car la capacité est relative au désir de réaliser quelque chose au bénéfice de la nation. Il ne s’informera même pas sur l’identité des autres ministres, car la question de la responsabilité collective du gouvernement est le cadet de ses soucis. Il sera seulement intéressé à la gestion du poste en tenant compte de la configuration politique. Comme en général, il n’est pas tenu par aucun contre-pouvoir à une obligation de résultat, il se contente des privilèges et du plaisir de manier l’autorité dans son espace de prince du moment.
Notre désir à tous est d’arrêter cette roue aveugle qui nous broie et qui nous fait passer de la folie duvaliériste à la folie aristidienne. puis à la folie prévalienne avec toujours son cortège de corruption, de meurtres, et de glorification de l’ignorance et de l’exclusion. Si on ne s’attaque pas à ces sentiments, ces frustrations, ces haines, ces ignorances, ces mythes, qui motivent nos comportements archaïques et destructeurs, on risque d’avoir encore dans cinq ans un autre pitre à faire choir de son trône de pacotille. Et si le prochain président (la prochaine présidente) ne comprend pas qu’il lui faut se passer au plus vite de tous ces conseillers comédiens, de ces souffleurs aveugles, de ces corrupteurs édentés, qui vont lui faire continuer cette pitoyable histoire, à moins que malade lui-même (elle-même) il (elle) ne veuille reproduire la même casse, le même bourbier, notre pays continuera sa course en enfer, certes au grand bonheur de tous ces requins pour qui la misère, le désespoir, sont des pépites d’or.

GARY VICTOR

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