mercredi 22 février 2012

Caudillisme !



"La bataille des fils de Macoutes Garry Conille vs Jean Max Bellerive "

La République a désormais une Prima Donna. Elle tient le premier rôle en tout. Une rareté de carburant sur le marché ? C’est son Palais national qui informe. Le carnaval ? C’est le Palais national. Ses gourous du marketing s’engagent dans une concurrence déloyale, agressive et sans mérite contre le chef du gouvernement dans le domaine de la communication officielle. Extraordinaire ! Autrement dit, le président Michel Martelly veut nous habituer à l’idée qu’en plus d’avoir le musicien Albert Chancy dans son staff, il entend diriger Haïti comme ce dernier performait en solo. Le style « one man show » relève de la politique-spectacle. Avec tous ses travers. Ses dérives. Et ces conférences de presse en mode obscène de la téléréalité, auxquelles les journalistes continuent d’être invités pour se faire systématiquement insulter sous les applaudissements obséquieux de courtisans serviles.

En pleine rareté d’essence, le Premier ministre Conille était à Washington, faisant la navette entre ces hauts lieux de pouvoir et les bureaux de ces bailleurs internationaux qui font bâiller une Haïti on ne peut plus fatiguée de ces engagements non respectés et toujours différés. Conille doit bien planifier ses sorties à l’étranger, même s’il a besoin de Washington au moment où son fauteuil de Premier ministre s’inscrit plus que jamais dans l’éjectable. Il est devenu la bête noire dans les cercles rapprochés du Président. Notamment, le cercle qui s’est renforcé d’un Jean-Max Bellerive. Ce même Jean-Max Bellerive qui a des comptes à rendre sur ces contrats de gré à gré, de plusieurs millions de dollars, signés, pour certains, deux jours avant l’investiture du président Martelly le 14 mai 2011 et jugés suspects par son successeur à la primature. Bellerive n’aime pas Conille. Conille ne digère pas Bellerive en retour, lui qui aurait manœuvré à la dernière minute avec son cousin Martelly pour le priver du fauteuil de la Planification et y placer un de ses protégés fidèles. Continuité assurée. Le ministère de la Planification devenu un vaste trou noir pour les tractations juteuses, les trafics d’influence, l’entretien des clientèles politiques du pouvoir et les pratiques insondables des tenants d’un appareil d’État dévoyé.

Le pays se porte mal. Une forte polarisation politique. Des centaines de lavalassiens en colère s’en prennent aux portraits de M. Martelly. D’anciens militaires en armes et pro-Martelly gagnent les rues et s’imposent en maints endroits en agents de l’ordre. Dangereux développements. Contexte assez volatile. D’autant plus que des proches du président Martelly sont convaincus qu’un plan visant à le destituer serait en cours d’exécution. Serions-nous revenus à la période d’avant 2004, quand le pays était livré à l’anarchie des gangs armés, la violence d’État et la fureur martiale des paramilitaires en rébellion ? Des chefs de guerre au service du pouvoir remobilisés ? Chantage ? Fuite en avant ? Panique au Palais ?

Michel Martelly, flairant le désamour qui lui viendrait tôt ou tard des Américains, s’embarque dans des liaisons dangereuses avec Caracas. Il est en quête d’argent, d’assise régionale pour s’assurer d’un contrepoids politique dans ses éventuels démêlés avec les États-Unis sur les sujets qui dérangent. Il y en a tellement. Pourtant, le vrai soutien dont a besoin Martelly est à forger d’abord sur le terrain, en Haïti. Dans la légalité. La tactique de l’intimidation et les alliances régionales forcées porteuses d’impondérables pour le pays sont loin de témoigner d’un sens profond du pouvoir d’État et de la géopolitique.

Les circonvolutions du pouvoir, ses prétentions hégémoniques et sa posture irrévérencieuse envers les institutions démocratiques privées et publiques ne nous feront pas oublier que le pouvoir politique en Haïti, vingt-six ans après la chute de la dictature des Duvalier, ne saurait être l’affaire d’un homme, par un homme et pour un homme. Si l’ex-Premier ministre Bellerive doit, aujourd’hui ou demain, répondre de sa gestion de Premier ministre par-devant une commission d’enquête, M. Martelly doit, dès aujourd’hui, se conformer aux exigences de ses responsabilités de chef d’État d’un pays engagé sur la voie de la démocratie pluraliste. Une nouvelle Haïti qui n’entend point revenir à l’ère du pouvoir personnel et cocardier des caudillos.

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