Le 24 janvier 2010, près de 70% du corps électoral martiniquais se prononçait en faveur d’une collectivité unique disposant des compétences et des ressources du Conseil Régional et du Conseil Général.
Une revendication vieille de trente ans semblait, enfin, pouvoir aboutir, dans l’intérêt général.
L’un des fondements essentiels de cette évolution institutionnelle reposait, en effet, sur la recherche d’une plus grande efficacité administrative, politique et économique. En dépit de ses limites-que nous n’avons pas cessé de signaler-, la collectivité unique constitue, de l’avis de tous, un meilleur instrument de développement que la région mono-départementale dont les incohérences ont été moult fois dénoncées, y compris par ceux qui, aujourd’hui, ont recours à l’acharnement thérapeutique pour prolonger son existence.
Or, depuis le vote populaire du 24 janvier 2010, ce sont les eaux glacées des intérêts personnels des responsables du néo-ppm qui ont envahi l’espace politique martiniquais et fait barrage à tout véritable progrès vers la création de cette collectivité unique.
Ils ont d’abord évoqué l’argument « du temps » pour retarder la mise en place de la Collectivité Unique.
Ainsi, grâce à leurs amitiés avec Sarkozy et l’ancienne ministre des colonies, ils ont obtenu, en juin 2011, le vote d’une loi fixant l’élection de la nouvelle assemblée -d’abord prévue pour 2012- à 2014. Cependant, la déroute des législatives de juin 2012 est, entre-temps, survenue, révélant la perte de confiance de l’électorat martiniquais vis-à-vis du président de région et de ses comparses. Alors, ils exigent encore « du temps », cette fois pour se refaire une santé politique. Pensent-ils ! Ils manœuvrent donc avec Lurel – lui aussi ministre des colonies et opposé à toute évolution institutionnelle dans son propre pays- pour obtenir un nouveau renvoi de cette élection à 2015…Et pourquoi pas en 2016, tant qu’on y est ?
Ils ont ensuite évoqué le « calendrier électoral national chargé ».
Mais, si le « calendrier électoral national » (en France !) est chargé en 2014 (municipales, cantonales, régionales, sénatoriales et européennes), le calendrier électoral martiniquais, lui, ne l’est pas (municipales, européennes et Assemblée Unique). A force de singer l’autre, les Létchimy, Larcher et Antiste sont manifestement en perte de repères des réalités martiniquaises…
Quel argument pourrait dès lors justifier cette nouvelle demande de report par le cercle des tricheurs ?
L’alignement sur le calendrier national ? Même la droite locale, plus idéologiquement liée « aux partis de l’hexagone », ne pense pas à le réclamer ! On peut cependant savourer que le néo-ppm qui se dit autonomiste et partisan d’une nation martiniquaise mendie aujourd’hui « l’alignement sur le calendrier électoral national » français ! C’est Miguel Laventure qui doit rire de bon cœur en notant ces boursoufflures assimilationnistes des prétendus « fils » de Césaire, l’ennemi des « alignements ». Il serait à ce propos intellectuellement profitable aux enfants en question qu’ils fassent l’effort de se replonger dans la lecture de la « Lettre à Maurice Thorez ». Cela leur éviterait le ridicule.
Alors, s’il n’y a pas d’arguments sérieux pour renvoyer la date de mise en place de l’Assemblée Unique, que cachent ces manœuvres ?
Alors que le pays s’écroule sous le poids du marasme général et de l’échec de ses plans de relance successifs, le rentier n’est obnubilé que par des stratégies de pouvoir personnel. En l’occurrence, il a deux priorités politiques « égocentrées » :
-Gagner « du temps » pour tenter de digérer la déroute des législatives de juin 2012 et essayer d’assurer le contrôle de l’opinion publique, dans l’espoir « malpapay » de gagner l’Assemblée unique. Pour cela, il est prêt à attendre jusqu’en 2016. N’a-t-il pas d’ailleurs déclaré, cette semaine, que l’on cherchait à réduire son mandat de président de région ? Une telle affirmation relève bien entendu de l’affabulation puisque le vote populaire en faveur de la collectivité unique, en janvier 2010, impliquait de facto une durée limitée de l’assemblée régionale élue deux mois plus tard, en mars 2010.
-Éviter absolument la tenue, la même année –en 2014 donc-, des élections de l’Assemblée Unique et du conseil municipal de Fort-de-France. Il n’est pas au bout de ses peines car le casse-tête des municipales foyalaises sera considérablement accentué par la loi sur le cumul des mandats…
Ces préoccupations, on le voit, sont très éloignées de l’urgence de disposer d’un meilleur instrument de développement du pays permettant de s’attaquer avec plus d’efficacité aux difficultés quotidiennes auxquelles la Martinique est confrontée.
Avec la complicité active de Lurel, les moyens politiques et législatifs de l’Etat socialiste se voient mis au service des ambitions personnelles d’un seul homme et d’une stratégie de contrebande politicienne.
Le ministre des colonies a d’ailleurs précisé, lors de la séance de l’Assemblée Nationale française du mercredi 7 novembre, suite à une interpellation du député Marie-Jeanne, la manœuvre fourbe qu’il a élaborée avec ses amis du néo-ppm :
« Si une majorité d’élus martiniquais demande au gouvernement de rester dans le calendrier électoral national et de ne plus organiser les élections de la collectivité unique en 2014 mais en 2015, nous y serons attentifs. »
Ces propos disqualifient le gouvernement socialiste et prouvent, une fois de plus, que les lois peuvent être allègrement modifiées en fonction des intérêts politiques personnels des copains et des coquins.
Mais, aucune manœuvre consistant à faire voter les élus du néo-ppm et alliés pour renvoyer une seconde fois la date de mise en place de la collectivité unique ne saurait se justifier, ni politiquement ni moralement.
Il s’agirait d’un pronunciamiento brutal, cautionné par l’Etat socialiste, au moment même où la gravité de la situation économique et sociale et l’urgence d’un nouveau modèle de développement commandent, plus que jamais, le maintien de la date de 2014, au plus tard.
La comédie a sans doute assez duré.
Francis CAROLE
Clément CHARPENTIER-TITY
Martinique
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