Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’instauration de la contribution exceptionnelle acquittée par le secteur pétrolier sera limitée à l’Hexagone, en raison des contraintes fortes qui pèsent sur le marché des carburants dans les départements d’outre-mer : étroitesse du marché, éloignement des grandes routes maritimes, insularité, exigence de sécurité des approvisionnements.
Aux Antilles, l’achat, le fret, le stockage, le raffinage et une partie de la distribution sont assurés par une seule société, la SARA, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles, détenue par Total – à 50 % –, Rubis, ExxonMobil et Chevron-Texaco. La fixation du prix des carburants relève d’un régime spécifique, elle est administrée par l’État et évolue chaque mois, compte tenu d’un certain nombre d’éléments.
Il s’agit d’une question particulièrement sensible sur nos territoires, et je souhaite le souligner ici.
Le poids des dépenses afférentes à l’automobile dans le budget des familles est plus élevé qu’en métropole : 19 % en Guadeloupe, pour 13, 3 % dans l’Hexagone. Il est dû à la fois à un retard d’équipement des ménages les plus modestes et au manque de desserte des transports collectifs.
Les dépenses de carburants sont, de fait, peu élastiques et toute hausse se fait au détriment de la consommation d’autres biens.
Par ailleurs, contrairement à ce qui prévaut dans l’Hexagone, le personnel sur les pistes est nombreux, participant à un équilibre social dans un contexte de chômage très élevé.
Les graves troubles sociaux de février 2009 contre la vie chère ont eu pour origine une forte incompréhension face à des prix de carburants trop élevés par rapport à ceux de la France hexagonale, face également à des méthodes de calcul incompréhensibles. Car l’énergie est la principale composante de l’inflation sur nos territoires : sa contribution en Guadeloupe représentait, en 2011, 70 % de la hausse des prix !
L’Autorité de la concurrence, saisie à la suite de ces troubles, a constaté que la réglementation des prix ne garantissait plus l’absence de rente et que le dispositif d’encadrement des marges de distribution et des prix de détail avait été transformé en un système de prix unique aisément manipulable.
M. le ministre délégué chargé du budget a été sensibilisé à cette question, car il est l’auteur d’un excellent rapport sur le prix des carburants dans les DOM, déposé à l’Assemblée nationale quelques mois après les émeutes. Ce rapport a été à l’origine de quelques ajustements bienvenus, comme la suppression, dans la formule des prix, de composants contestables ou la suppression de clause de préférence lors de la revente de stations-service.
Mais beaucoup reste encore à faire, et l’organisation d’ensemble de la filière suscite toujours de très nombreuses interrogations.
Je salue ici le combat de notre nouveau ministre des outre-mer, Victorin Lurel, qui n’a eu de cesse, en tant que député, de déplorer le manque de transparence du mode actuel de fixation des prix des carburants en Guadeloupe et de dénoncer un système opaque et injuste, comme en témoignent les évolutions distinctes des prix du « sans plomb », du gazole et de la bouteille de gaz, que les communiqués de la préfecture peinent à expliquer de façon crédible.
Je salue son engagement à s’attaquer, en tant que ministre, aux causes structurelles de la vie chère dans les territoires ultramarins, dont, en priorité, celles qui sont relatives aux carburants. Il a ainsi annoncé hier, en conseil des ministres, qu’un projet de loi en ce sens serait présenté devant le Parlement à l’automne.
Il s’agit là d’un chantier effectivement urgent : se pencher sur la discrétion qui entoure les négociations des marges, les modalités d’accès des distributeurs de détail aux capacités de stockage ; rendre compréhensibles aux citoyens les méthodes de calcul ; mettre en place, comme l’a suggéré dans son rapport M. le ministre délégué chargé du budget, une structure qui réunirait toutes les parties prenantes ; donner aux observatoires des prix, mis en place dans les DOM et consacrés par la loi grâce à notre Haute Assemblée en février dernier, de réels moyens d’agir, et – pourquoi pas ? – leur permettre d’utiliser les outils dont dispose déjà l’Autorité de la concurrence, par exemple celui d’investiguer.
Telles peuvent être les pistes à suivre pour une meilleure transparence sur la formation des prix des carburants et remédier aux dysfonctionnements de la filière pétrolière dans les DOM, source toujours actuelle d’incompréhension et de mécontentement de la population.
Félix Desplan
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