J’ai fait un entretien ce matin par téléphone avec une journaliste parisienne qui souhaitait décrypter le nouveau phénomène politique français qu’est devenue Christiane Taubira. Elle était étonnée de l’engouement actuel de la presse nationale pour la ministre de la justice et voulait savoir, en interrogeant un collègue qui suit cette femme depuis 20 ans, ce qui avait changé chez elle pour qu’elle apparaisse à ce point aujourd’hui comme une icône à son poste, au même titre que les anciens garde des sceaux Robert Badinter et Simone Veil. Sauf que, comme je l’ai expliqué à cette journaliste parisienne, Taubira est, à mes yeux, exactement la même femme que j’ai connue quand je présentais le JT en Guyane en 1994. Une femme déterminée et volontaire, qui, lorsqu’elle s’emparait d’un dossier, le menait jusqu’au bout, en occupant tout l’espace médiatique, au point d’occulter les autres intervenants, comme c’est le cas de la ministre de la famille qu’on entend peu en ce moment dans le la débat sur le mariage pour tous. Je me souviens, comme si c’était hier, de ma première interview avec Taubira à Cayenne. Grosse tension. On ne peut pas dire que ça s’était bien passé. Elle était arrivée sur le plateau en terrain conquis. Je ne m’étais pas laissé faire. Elle non plus. Depuis, il est resté entre nous une sympathie réciproque. Donc, Taubira, pour moi comme pour toutes celles et tous ceux qui la connaissent depuis longtemps, c’est la même femme qu’hier. C’est dire si je souris quand les médias nationaux, qui font son éloge, donnent l’impression de découvrir une extra terrestre, en ventant son éloquence et son talent, au point de la voir déjà comme Premier ministre, un poste où je la verrais bien moi aussi, et même plus: pourquoi pas aussi Présidente de la République un jour ?? En fait, c’est toujours la même histoire, la presse parisienne s’intéresse si peu aux originaires d’outre mer ou du continent africain, qu’elle ne voit pas ce qui se passe chez nous ou dans nos cercles, où des figures intéressantes tiennent le haut du pavé. Mais, comme on a appris à fonctionner à l’ombre de leurs flashs, on ignore cette indifférence pour se concentrer sur des missions à accomplir afin que nos jeunes aient des repères et prennent plus encore toute leur place demain dans cette société qui ne les attend pas. Alors au delà de sa conviction, de son brio, et de sa ténacité, bravo à Christiane Taubira d’avoir ouvert les yeux de celles et ceux qui ne la reconnaissaient pas jusqu'ici à sa juste valeur, et d’avoir, du même coup, rappelé si fortement à beaucoup d’entre nous que rien n’est impossible, malgré les barrières et les discriminations, pour qui a du talent et veut aller de l’avant….
Serge Bilé
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