Clash!
*Michel Martelly est en train de filer un mauvais coton. Ses adversaires déclarés et ennemis camouflés aussi. Sans s’en rendre compte, ils sont en train de replonger le pays dans le dix-neuvième siècle haïtien des luttes de factions minoritaires pour le contrôle du pouvoir
*une autre forme d’opposition, elle-même plus insidieuse, plus dangereuse et létale, plus haïtienne, donc plus astucieuse et marronne, se constitue en front du refus face à Martelly.
* Avec Martelly, Haïti semble au seuil d’une plongée imméritée dans les abysses de nos grottes historiques.
Le Matin : 29 juillet au 4 aout 2011
Michel Martelly est en train de filer un mauvais coton. Ses adversaires déclarés et ennemis camouflés aussi. Sans s’en rendre compte, ils sont en train de replonger le pays dans le dix-neuvième siècle haïtien des luttes de factions minoritaires pour le contrôle du pouvoir. On sent aussi, à l’œuvre, dans cette empoignade qui entoure la question du Premier ministre et le malaise social actuel, l’odeur suffocante des doctrines de l’exclusion de notre vingtième siècle de l’agitation de classes et coloriste. Avec Martelly, Haïti semble au seuil d’une plongée imméritée dans les abysses de nos grottes historiques. Les créatures qui peuplent ces lieux ne sont point recommandables. Nos politiciens feraient mieux de les laisser mourir de leur pourrissement.
Au pouvoir, le couple Martelly doit, certes, éviter ces bains de foule effectués dans la désinvolture populiste. On ne sait jamais. Cependant, ce qu’il faut éviter le plus, c’est un nouveau clash social. Un clash né de peurs multiples. De nos traditionnelles fractures de classes. Et alimenté par des choix politiques mal pensés.
Daly Valet
Ainsi, pendant que le focus est mis sur des figures officielles hostiles à Martelly, comme le tonitruant sénateur Moise Jean- Charles, et des entités politiques reconnues comme Inite et le Groupe parlementaire GPR, une autre forme d’opposition, elle-même plus insidieuse, plus dangereuse et létale, plus haïtienne, donc plus astucieuse et marronne, se constitue en front du refus face à Martelly. Cette opposition n’aura peut-être, jamais le courage de s’assumer pour ce qu’elle est. Mais elle est là. Elle s’exprime à mots voilés. Dans des codes à décrypter. Des chuchotements. Des confidences entre cousins de la classe. De la gauche à la droite, la peur qu’inspire le clan Martelly a réactivé de vieilles solidarités tribales qui transcendent les traditionnelles polarisations partisanes de circonstance.
L’incident du dimanche 24 juillet au Cap-Haïtien, au cours duquel le cortège présidentiel a été assailli de jets de pierre, d’urines et de tessons de bouteille, est loin d’être mineur. Il traduit un mécontentement qui se radicalise et qu’expriment, dans la rage, des secteurs politiques pro-lavalas. Il s’inscrit dans un contexte de frustration quasi générale. Cette frustration traverse des segments sociaux divers et assez politisés. Les Haïtiens n’avaient jamais osé franchir, dans l’Haïti contemporaine, cette ligne de l’agression ouverte contre leur chef d’État. C’est dire qu’un ressort est cassé quelque part. Une digue est brisée. Peut-être que la fonction présidentielle, abaissée, rabaissée et avilie par le fait de ses récents titulaires, n’inspire plus respect et déférence, et qu’à cet avilissement des déséquilibrés et des enragés se proposent d’ajouter un peu de leur propre souillure. D’autres hypothèses sont à explorer, même si la thèse de la tentative d’assassinat accréditée par la présidence et mille fois colportée par le fougueux et sulfureux sénateur Edwin D. Zenny du Sud-Est, nous semble plutôt spécieuse. Le Nord est coutumier de ces insolences quand il veut se faire entendre. Bien qu’avec Martelly il y ait eu de l’escalade, Aristide et Préval, en tant que présidents, n’avaient pas toujours été bien accueillis dans la cite capoise quand ils osaient s’y aventurer en temps de mécontentement. Pour Préval, c’est même une ville maudite depuis cet épisode d’excréments humains en 1996.
Si l’on met de côté les meurtres-spectacles ayant pour objet d’obtenir un effet théâtral, comme dans l’exemple de ce détraqué qui, en 1981, tentait de tuer le président américain, Ronald Reagan, pour impressionner sa petite amie par un acte de bravoure, les meurtres de chefs d’État poursuivent, généralement, un projet politique et idéologique précis. Il ne s’agit pas d’actes gratuits. Derrière les assassinats d’Abraham Lincoln, de John Fitzgerald Kennedy, de Jean-Jacques Dessalines et de Cincinnatus Leconte, il y a eu de grands intérêts et des motivations politiques de premier ordre. Nous n’en sommes pas encore là dans l’Haïti de Martelly. Si la politique a toujours entretenu, chez nous, des liaisons dangereuses avec le meurtre, c’est le pouvoir qui, le plus souvent, tue ses adversaires et d’innocentes personnes. Pas l’inverse.
Jeren Ayitii
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