Haïti: Il y a cinq cents ans, les premiers esclaves noirs arrachés de leurs terres ancestrales débarquèrent à Hispaniola sous le gouvernement du fervent chrétien Nicolás de Ovando. C'est le prélude de la traite négrière de l'Atlantique après le génocide perpétré contre la population indigène... dite « indienne ». Face aux répressions et humiliations, les esclaves puisaient dans leurs réserves spirituelles. Près de trois siècles plus tard, ils se révoltaient sous la direction des avatars de la liberté répondant aux noms de Butty Bookman et Jean-Jacques Dessalines. Puis, le grand miracle : ils osèrent créer un pays nouveau, en plein coeur du Nouveau Monde meurtri par le racisme, la colonisation et l'esclavage, sous le regard médusé des « civilisateurs ».
Ainsi naquit le peuple haïtien, avec sa propre culture, sa propre langue, sa propre religion et sa propre définition de ''pays souverain et libre''. L'indépendance d'Haïti, déclarée le 1er janvier 1804, fut une épreuve de rupture avec l'oppression physique, morale, raciale, linguistique, culturelle et spirituelle de l'Haïtien. Les mots jumeaux ''liberté'' et ''justice'' trouvèrent leur sens le plus profond dans cette révolution du, par, avec, et pour le peuple. Tout fut à reconsidérer, à repenser, à reconstruire. Les anciens esclaves croyaient dans ce rêve d'une Haïti juste, unie, forte et prospère. C'est le début de la construction d'un État-nation unique dans l'histoire de l'humanité.
Aujourd'hui, deux siècles après l'épopée, l'enseignement tiré du comportement de la classe dirigeante d'Haïti me convainc : les barbaries de l'homme transcendent sa race, sa couleur, sa culture et son histoire. La colonne d'antipatriotes a systématiquement exclu les masses paysannes de la construction nationale. Les traîtres ont diabolisé leur culture et fait de leur rêve national un vrai cauchemar. Les apostats — après qu'ils eurent commis ce crime de haute trahison nationale et contre l'humanité, et arrêté la construction nationale — ont eu le courage de demander au peuple de se débrouiller dans le malheur, de « nager » seul pour se sauver du naufrage national. Les judas lui ont promis la démocratie en essayant de lui voler des élections, le traitant comme un sauvage réfractaire à cette même démocratie.
Face à toutes ces contre-vérités, toutes ces insultes, toutes ces violences, toutes ces accusations, toutes ces hypocrisies et toutes ces injustices contre le peuple, je me révolte. C'est pourquoi — au nom de l'esprit libérateur des ancêtres, au nom des progressistes de tous les coins, de toutes les classes et de toutes les couleurs du pays et de la Diaspora, au nom de la réconciliation solidaire de la nation, et au nom du peuple en lutte d'Haïti — je dénonce !
Rose Nesmy Saint-Louis, auteur de Le vertige haïtien - Réflexions sur un pays en crise permanente (Éditions L'Harmattan, Paris, 2010), ancien ''senior'' économiste au U.S. Bureau of Labor Statistics.
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