Que se passe-t-il à Copenhague ? La situation reste plus bloquée que jamais avec l’intransigeance des grands pollueurs de camper chacun sur sa position attendant peut-être, au dernier moment pour abattre ses cartes. C’est ainsi qu’Obama a décidé de retarder sa venue vers la fin de la conférence comme d’ailleurs Dmitri Medvedev. On observe que la Chine accuse ouvertement les Etats Unis de blocage. Mais peut être que ce n’est qu’une comédie et qu’en tout état de cause le sort de la planète est scellé et ce seront les plus faibles qui paieront une fois de plus pour une pollution qu’ils n’ont pas générée.
Curieusement, à la fois les gouvernements, les dirigeants d’entreprise et la communauté des organisations non gouvernementales (ONG) maintiennent que le programme de la Conférence sur le changement climatique est « l’un des rassemblements les plus significatifs de l’histoire ». C’est le craint-on la montagne qui va accoucher dune souris
« On dit, écrit Michel Chossudovsky, de cette conférence, qu’elle constitue l’accord le plus complexe et le plus crucial que le monde ait jamais vu. » On proclame que les émissions de CO2 sont la seule et la plus importante menace pour le futur de l’humanité. Le point central de la Conférence porte sur des questions strictement environnementales. On ne mentionne pas la « guerre » mondiale - c’est-à-dire la guerre menée par les États-Unis et l’Otan et ses conséquences environnementales désastreuses. On ne mentionne pas la « guerre météorologique » ou les « techniques de modification de l’environnement » (Cnmod), ni la guerre climatique. Dans le débat sur les changements climatiques, on ne fait aucune mention du projet 2025 de l’Armée de l’air étatsunienne intitulé « Owning the Weather » (Posséder la météo), à des fins militaires. (1)
« Malgré un vaste corpus de connaissances scientifiques, écrit Michel Chossudovsky, la question de manipulations climatiques délibérées à des fins militaires ne fait plus partie du programme de l’ONU sur le changement climatique. Elle était cependant à l’ordre du jour au Sommet de Rio en 1992. » (2)
Dans ces conditions, la kermesse de Copenhague ne fait illusion qu’auprès des naifs, nous, l’immense majorité des sans-grade que sont les Africains bernés une fois de plus. Pourtant, la majorité des pays, y compris l’Afrique et les Petits Etats Insulaires- qui risquent de disparaître à l’instar de l’Atlantide- continuent de faire pression sans grand résultat auprès de nos dirigeants politiques pour qu’un tel accord soit adopté. Le WWF a rappelé 10 conditions pour que Copenhague soit un succès : nous citons quelques-unes : les gouvernements doivent se mettre d’accord sur un cadre légalement contraignant contenant un protocole de Kyoto amendé et un nouveau protocole de Copenhague, qui garantisse la survie des différents pays, cultures et écosystèmes, et trace la voie vers une économie sobre en carbone. Les émissions mondiales doivent atteindre leur pic avant 2017 pour contenir le réchauffement. Les pays industrialisés doivent s’engager à réduire leurs émissions de 40% d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990. La destruction des forêts tropicales doit être réduite de 75% d’ici 2020. - Un cadre pour des actions d’adaptation immédiates doit être mis en place, en particulier pour les pays et écosystèmes vulnérables, comprenant l’accès à l’assurance et aux compensations. - Des financements publics de l’ordre de 160 milliards de $ par an doivent être alloués aux pays en développement pour l’adaptation et la mitigation à travers des sources de financement innovantes.(3)
Il ne faut pas croire que le réchauffement climatique est synonyme de catastrophe pour tout le monde. Comme l’écrit Grégoire Macqueron : « Le réchauffement climatique n’aura pas que des effets négatifs, en particulier pour les pays du Grand Nord. Russie, Canada, Etats-Unis, Norvège et Danemark ont déjà commencé à fourbir leurs stratégies de développement et à faire part de leurs prétentions. (...) A l’heure où les Etats se réunissent à Copenhague pour lutter contre le changement climatique, les nations arctiques comptent bien profiter de ce dégel et des richesses qu’il libère. Alors que certains scientifiques prédisent un pôle Nord libre de glace l’été, en 2050, voire 2030, les Etats arctiques se lancent dans de grandes manoeuvres d’exploration et de cartographie, accompagnées de vaisseaux de guerre. En août 2007, deux bathyscaphes russes ont même planté un drapeau au pôle Nord, à 4261 mètres sous la banquise, tandis qu’en 2009 le Canada annonçait avoir réalisé une cartographie complète des richesses pétrolières, gazières et minières de l’Arctique. L’US Geological Survey estime en effet que l’Arctique recèle 13% des réserves de pétrole et 30% des réserves de gaz naturel non découvertes de la planète. » (...) Autre grand avantage du réchauffement, la libération des glaces des ports du nord, d’habitude inutilisables en hiver, et l’ouverture du passage du nord-ouest. Sans banquise, le trafic maritime peut joindre l’Asie à l’Europe plus rapidement. Les températures plus douces devraient aussi favoriser la croissance végétale et donc l’agriculture dans les plaines de Sibérie et du Canada. Tout ceci s’accompagne cependant de nombreux problèmes comme la déstabilisation des infrastructures et l’érosion des côtes suite à la fonte du pergélisol, le relargage du CO2 et du méthane de ces sols dégelés, la dégradation des écosystèmes arctiques et, plus immédiats, un accroissement des tensions géopolitiques de cette région.
Que deviennent les pays vulnérables ?
A Copenhague, passés les salamalecs et les voeux pieux hypocrites de l’ouverture, les discussions deviennent vives. Ce qui a exacerbé les tensions est un texte publié par The Guardian, montrant ce que le gouvernement danois a déjà préparé... l’accord final. Vivez avec nous les événements de ce festival off, qui témoignent que le sommet de Copenhague est bien un lieu où l’on discute ferme et n’a plus rien d’une réunion policée entre gouvernants. La teneur du texte a fait bondir le G77 (Groupe des pays en développement) et la Chine. Que dit le texte ? : *limiter le réchauffement climatique à maximum 2 degrés Celsius d’ici à 2050. *Les pays en développement devront aussi baisser leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). *Diviser les pays pauvres en créant une nouvelle catégorie, celle des « plus vulnérables ». *Confier le financement de l’aide à un organisme qui pourrait dépendre de la Banque mondiale.(5)
Cette aide des pays riches pourrait être immédiate et s’élever à 10 milliards de dollars par an d’ici à 2012.(5) Que ne dit-il pas ?* Ce qu’il advient du protocole de Kyoto, unique texte contraignant aujourd’hui mais qui n’oblige que les nations industrialisées à réduire leurs émissions de GES. *Riches et pauvres seraient donc contraints aux mêmes mécanismes et aux mêmes objectifs de lutte contre le réchauffement climatique.(5)
Antonio Hill, conseiller de la politique climatique de Oxfam international, souligne « le risque que lorsque les grands pays se rassembleront, les petits seront blessés. Les limitations des émissions doivent être échelonnées pour chacun. Il y a beaucoup trop de lacunes et il ne suggère absolument pas de réduire de 40% les émissions comme le préconise la science ».(5)
La protestation pathétique des représentants africains sera sans lendemain. Ils ont appelé leurs négociateurs, invectives à l’appui, à ne pas se laisser diviser par les propositions danoises. Des délégués africains prennent la parole au sommet de Copenhague. « Mesdames et messieurs, alors que nous nous tenons debout devant vous, c’est le deuxième jour [...] et nos espoirs sont réduits à néant. Nos espoirs sont réduits à néant à cause de motivations malhonnêtes. Oui, nous sommes attristés parce que les négociations sont menacées par des intérêts politiques. Nous sommes ici à Copenhague pour dire aux leaders que tout ceci n’est pas suffisant pour un accord légalement contraignant. » « Nous sommes ici parce que nous ne laisserons pas l’Afrique se diviser comme elle a été divisée dans le passé. (...) Des gens souffrent et leurs vies n’ont pas de prix. Nous ne mourrons pas en silence. 10 milliards ! 10 milliards, ce n’est pas suffisant pour racheter ce que vous avez causé. (...) Mesdames et messieurs, nos négociateurs doivent rester fermes. » (5)
« Alors que la poursuite du réchauffement climatique écrit Mathieu Bédad, pourrait faire peser certains risques sur les pays du Sud, et tout particulièrement les pays pauvres, certaines politiques publiques qui seront étudiées à Copenhague les exposent à des risques bien plus grands. Le développement du Sud serait en effet sacrifié sur l’autel d’un réchauffement climatique d’origine hypothétiquement anthropique (pour des résultats négligeables dans la lutte contre ce réchauffement qui plus est). » (6)
« L’une des mesures négociées au sommet de Copenhague est l’instauration de droits de douane sur le CO2. (...) Pour convaincre les dirigeants des PED d’accepter une politique aussi dévastatrice pour leur croissance et développement, un autre des mécanismes importants est discuté durant ce sommet : les transferts des pays riches vers les pays pauvres. Les droits de douane environnementaux sont annoncés comme complémentaires aux taxes carbone internes et autres permis négociables actuellement en discussion. Ces « droits de douane carbone » (défendus par le président Sarkozy au niveau européen, et débattus au Congrès américain, ainsi qu’en Australie, en ce moment même) seraient mis en place pour ne pas désavantager les pays ayant adopté une taxe carbone. La principale crainte, et c’était l’objet du rapport Keller de juin dernier remis à l’UE, est la fuite des emplois vers des juridictions plus permissives en matière d’émissions carbone. Ce mécanisme devrait être efficace pour... condamner les PED à la pauvreté. Au bas mot, le sort d’environ 4 milliards de personnes dépend du commerce international pour espérer voir leur condition s’améliorer. Ce nouveau protectionnisme les empêchera donc dans une large mesure d’échanger avec les pays (riches) adoptant une taxe carbone aux frontières. Ces pays du Sud subiront donc une isolation économique encore plus grande du fait de ce protectionnisme carbone. Leur industrialisation est ainsi fortement compromise du fait de leur impossibilité d’accéder réellement aux marchés du Nord. Et le protectionnisme agricole européen et américain empêche déjà les PED du Sud d’exploiter leur avantage comparatif agricole. La taxe carbone aux frontières est donc le chemin vers un sous-développement avancé du Sud ».(6)
« Le contre-argument des tenants de Copenhague est ici que le système de compensation permettra à ces pays d’innover en technologies à faible carbone. En effet, pour rallier les pays pauvres, le sommet de Copenhague précisera les bases du système de transferts entre pays riches et pays pauvres pour mitiger les émissions de CO2. C’est ce que vient de détailler par exemple le Plan Justice Climat du ministre Borloo, qui parle de 410 milliards de dollars sur 10 ans, financés par des taxes mondiales (taxe carbone mondiale, taxe Tobin, taxe maritime, taxe sur le baril de pétrole) et par un fonds dédié alimenté par les pays riches. » (6)
On l’aura compris, on demande aux Africains, qui consomment 0,3tep/hab/an contre 4 à 8 tep/an pour les Occidentaux, de consommer moins - fardeau partagé- et d’aller vers les technologies non polluantes alors qu’ils n’ont pas du tout de tissu technologique : 2 Africains sur 3 vivent sans électricité. C’est ça le marché de dupes de la kermesse de Copenhague.
« Il est vrai, comme l’écrit Jacques Julliard, que le combat pour l’écologie ne doit pas dériver vers un fondamentalisme réactionnaire Nous sommes tous aujourd’hui plus ou moins écologistes, comme hier nous étions tous plus ou moins marxistes. L’air du temps nous y pousse autant que la raison. En schématisant, on dira qu’on se trouve ici face à deux pentes différentes et même opposées de la pensée : l’une est fondée sur le droit de l’homme à un environnement naturel de qualité ; la seconde, sur le droit de la nature à être respectée par l’homme. La première s’inscrit dans le droit-fil de la philosophie technicienne occidentale, du judéo-christianisme au marxisme et à l’industrialisme, en passant par Descartes ; la seconde, qui emprunte aux sagesses orientales mais aussi au romantisme allemand - de Fichte à Nietzsche et même à Heidegger -, est une remise en question de l’anthropocentrisme occidental. » « Que dit saint Paul ? « Le monde est à vous, vous êtes au Christ, le Christ est à Dieu. » Le mystère de l’Incarnation débouche ainsi sur une philosophie technicienne. Que dit Marx ? Que la vocation de l’homme est de transformer la nature ».(7)
« La philosophie de l’Homo faber a fait de l’Occident le maître du monde et a servi de modèle aux anciens colonisés eux-mêmes. Qu’est-ce que l’écologie, dans cette perspective ? Un moyen de préserver l’outil de travail et le cadre de vie. A l’inverse, l’écologie fondamentaliste ou deep ecology se refuse à tout céder à l’exception humaine. Elle considère l’homme comme partie intégrante de la nature et ne craint pas de faire son procès chaque fois qu’il se révolte contre sa mère. Elle dénonce « l’espécisme », qui fait de l’homme la valeur unique et ne montre aucun respect envers les espèces inférieures Désormais, l’affrontement entre le donné ?- la nature - et le construit - la culture - est au centre du débat intellectuel et social. Il y a désormais deux écologies : l’une qui s’efforce de concilier la sauvegarde de la nature avec le progrès ; les fondamentalistes de l’écologie développent des tendances proprement religieuses ; ils diffusent un millénarisme catastrophiste et inquisitorial qui transforme le tri sélectif des ordures ménagères en religion de salut. (....)Oui, donc, à l’écologie rationnelle, oui à un nouveau pacte entre l’homme, la nature et l’animal (Michel Serres parle de contrat naturel) ; non à la réintroduction en contrebande d’une philosophie irrationaliste, anti-industrialiste, à relents fascistes. »(7)
Nous sommes d’accord avec cette envolée philosophique sauf que Jacques Julliard ne parle que de ce qui se passe en pays de civilisation au départ, « chrétienne » et devenue par « la force des choses » « judéo-chrétienne ». Que deviennent les autres, tous les damnés de la Terre que le Christ nous demande de soutenir d’aimer et comme nous-mêmes ?A moins que la religion n’est convoqué en Occident qu’en terme d’endiguement des Autres , peu importe si on suit ses principes ou non ? Pourtant Le sort du monde dépend aussi de ces quatre milliards de sans voix mais pas de sans droit, point n’est besoin de recourir à la relgion pour être juste.
1.www.fas.org
2. Michel Chossudovsky : Environmental Warfare and Climate Change, Global Research. 27 novembre 2005 3. WWF : Le Sommet de Copenhague n’est pas mort : les 10 conditions de réussite du sommet
4. Grégoire Macqueron : Sommet de Copenhague : le réchauffement climatique... et ses bienfaits
5. Copenhague en coulisse : le climat se réchauffe à vue d’oeil Le 9 décembre 2009 Source : Durable.com
6. Mathieu Bédard Agoravox : Copenhague et les pauvres. 10 décembre 2009 -
7. Jacques Julliard : Non à la déesse Nature ! Le Nouvel Observateur. 3 décembre 2009
Pr Chems Eddine CHITOUR
EcolePolytechnique enp-edu.dz
http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article4350
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