samedi 4 août 2012

LA TOUR DE LA POINTE-SIMON : LES VERITES QUI PERTURBENT « PHARAON »


Le débat sur la tour de la Pointe-Simon est revenu au devant de la scène à l’occasion de l’intervention des professionnels du BTP dans la séance plénière du conseil régional du 26 juillet.

En effet, syndicats et chefs d’entreprises, regroupés dans un front commun, étaient venus exposer aux élus la gravité de la crise dans ce secteur et réclamer la tenue, dans les meilleurs délais, d’une table ronde réunissant acteurs économiques, sociaux et politiques.

Dans leurs propos, de manière très légitime, les représentants de ce front ont mis en évidence le scandale que constitue la pratique, de plus en plus courante, des entreprises extérieures qui refusent de faire appel à la main-d’œuvre locale.

« LA CHANCE DES MARTINIQUAIS » N’EST PLUS « LE TRAVAIL DES MARTINIQUAIS »

Prenant la parole, j’ai dénoncé cette dérive d’autant plus intolérable que la compétence existe sur place et que le niveau du chômage ne cesse d’augmenter dans notre pays, marginalisant des pans entiers de notre société.

En effet, selon le journal « Justice » du 19 juillet, qui s’appuie sur les chiffres de Pôle Emploi, le nombre de chômeurs s’établit en mai 2012 à 49 869. « Sur un an, le chômage croît de 1,9% », précise l’hebdomadaire du PCM. Et de poursuivre : « Les offres d’emploi collectées par Pôle Emploi diminuent en Martinique au cours des trois derniers mois de 27,7% par rapport aux trois mois précédents ».Dans le BTP en particulier, ce sont 800 emplois qui ont été perdus en 2011.

Le cas du chantier EDF de Bellefontaine, qui a suscité la mobilisation des syndicats et l’indignation générale, est devenu emblématique de la nouvelle stratégie de ces grandes entreprises françaises et européennes.

J’ai, cependant, tenu à rappeler le précédent fâcheux de la tour de la Pointe-Simon dont l’initiatrice est la municipalité néo-ppm de Fort-de-France. Cette dernière a donné un très mauvais signal en acceptant que le groupe INSO, chargé de ce chantier, n’emploie que des travailleurs portugais et italiens, venus spécialement pour cette opération.

On est donc aux antipodes du fameux slogan du PPM historique : « La chance de la Martinique, c’est le travail des Martiniquais. » Les rentiers ont oublié ces paroles de bon sens…

Il y a, ainsi, eu, au plus fort de cette opération, jusqu’à 120 travailleurs. Pour la petite histoire-qui révèle toujours les grandes failles de certaines mentalités-la direction d’INSO s’est même débarrassée de la cuisinière martiniquaise qui s’était, au début, occupée de la restauration de ces travailleurs. INSO a jugé plus conforme aux bonnes mœurs de faire venir en Martinique, pour remplacer cette Martiniquaise, un couple de cuisiniers…portugais !

La stratégie en œuvre à la Pointe-Simon, d’abord, puis à Bellefontaine, s’explique évidemment par la quête du profit maximal : salaires plus bas, isolement des ouvriers pour les rendre plus corvéables et taillables à merci, rythme de travail effréné, non-respect de la législation du travail…

Mais, dans nos pays comme dans beaucoup de pays du Tiers-Monde, cette pratique se nourrit d’une théorie qui prétend faire des travailleurs locaux des « fainéants » et des « incompétents ». Ce discours idéologique sur l’incapacité des locaux ne fonctionne pas seulement comme une tentative de justification de l’exclusion de cette main-d’œuvre, il exhale aussi toutes les pestilences de l’esprit colonial.

A ces divers titres, cette stratégie doit être combattue avec la dernière énergie. Et c’est singulièrement la responsabilité de l’homme politique de s’y opposer sans défaillance, plutôt que de courber l’échine, de se faire complice de ces « dérives » ou de se plaindre de son impuissance.

UN FINANCEMENT OPAQUE

Mis devant ses incohérences, le président de région a tenté de riposter en égrenant une liste d’entreprises qui auraient tiré « bénéfice » de la construction de la tour…Parmi elles, la Librairie Jean-Charles!

Quel époustouflant bonheur d’apprendre qu’INSO achète son papier et ses crayons chez Jean-Charles ! L’honneur est sauf, n’est-ce-pas ?

On aura compris que l’ancien maire de Fort-de-France, comme à son habitude, préfère la diversion anecdotique plutôt que de reconnaître ses errements.

La réalité c’est que les entreprises locales n’ont recueilli qu’à peine 10% du coût global de ce chantier (130 millions d’euros).

Quant aux investisseurs locaux, ils ne représentent pas 1% du capital investi, l’actionnaire majoritaire étant la société d’assurances basée à Trinidad, la « Guardian » !

Il reste qu’en adoptant une telle posture en plénière et en développant des arguments aussi douteux, Serge Letchimy a enfilé les habits de défenseur des pratiques d’INSO .

Nous noterons, d’autre part, que notre contradicteur a enfin reconnu, en partie, l’origine trouble des fonds investis dans cette tour : Ces capitaux seraient « transparents », « sauf le cas d’une personne » a-t-il déclaré…

L’effort de confession-louable en soi- reste néanmoins beaucoup trop modeste et, en la circonstance, le blanchiment de l’argent n’est pas l’affaire « d’une personne » égarée dans la foule des vertueux .

Il convient à ce propos de rappeler que c’est le ministère de l’économie lui-même qui s’était inquiété de l’opacité de ces fonds et en avait tenu informé l’ancien président de région.

On peut d’ailleurs s’interroger sur le parcours tortueux de cet argent qui transite par Malte ou encore les îles Caïmans, avant d’arriver en Martinique…

Quand l’argent a les pieds aussi légers et vagabonds une certaine vigilance s’impose.

Les Martiniquais doivent savoir que ne nombreuses enquêtes ont été menées, à propos de cette tour, par les services de l’immigration, l’administration fiscale, la brigade financière et la sécurité sociale.

Il se dit qu’un rapport serait sur le bureau du procureur de la république .

Il serait, en tout cas, vivement souhaitable que le nouveau gouvernement, s’il s’inscrit vraiment dans le respect de ses promesses sur la transparence de l’action publique fasse publiquement le point sur les zones d’obscurité de la tour de la Pointe-Simon.

C’est le moins que puisse attendre le citoyen d’un gouvernement « normal ».

Francis CAROLE

AOÛT 2012

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