L'Afrique du Sud et le Nigeria passent pour les pays les plus dangereux du continent. Pourtant, ils n’affichent pas le plus fort taux de meurtres. C’est en Côte d’Ivoire, en Ouganda, en Zambie, au Malawi et en Ethiopie que l’on se tue le plus.
L’Afrique du Sud ou le Nigeria ont mauvaise réputation, mais ils ne détiennent pas la triste palme du plus grand nombre d’assassinats.
Certes, on déplore 16.000 meurtres au pays de Jacob Zuma, pour la seule année 2011. C’est beaucoup —une moyenne de 43 morts par jour et un taux de 31,8 assassinats pour 100.000 habitants.
Mais, c’est deux fois moins qu’en 1994, trois ans après la fin officielle de l’apartheid. Le pays, alors en proie à des violences politiques, s’est peu à peu pacifié.
Particularité sud-africaine: 80% des meurtres se font entre des personnes qui se connaissent déjà, selon la police.
Des maris tuent leur femme, des employés leur patron, des amis en viennent aux armes après des soirées trop arrosées, et des dealers de drogue se disputent les te
rritoires dans les townships du Cap.
Au Nigeria, on recense 18.422 meurtres en 2011, selon les chiffres de l'ONUDC, l'Agence des Nations unies contre le crime et le trafic de drogue (PDF), qui a compilé pour la première fois, en 2012, un rapport global sur les homicides volontaires.
Le nombre élevé d’assassinats au Nigeria reflète surtout la forte population de ce pays (162 millions d’habitants). Le taux de meurtres y est presque trois fois moins élevé (12,2 pour 100.000 habitants) qu’en Afrique du Sud.
Les attentats et les tueries perpétrées par les islamistes de la secte Boko Haram alourdissent le bilan, mais ils n’expliquent pas tout.
Nigeria: justice populaire et gangstérisme sur Facebook
La mort passe aussi par la mob justice, une justice populaire courante en Afrique. Des voleurs ou supposés voleurs sont battus à mort et/ou brûlés vifs sur les marchés ou en public.
Quatre étudiants en ont été victimes à Port Harcourt (sud du Nigeria) après la disparition d’un ordinateur et d’un téléphone portable.
Un meurtre filmé qui a choqué le pays. Facebook, un réseau social très prisé par les Nigérians, a aussi été détourné à des fins funestes.
Cynthia Osokogu, 25 ans, étudiante et commerçante à Abuja, est devenue une icône nationale au Nigeria, après avoir été dévalisée et tuée, en août, dans sa chambre d’hôtel à Lagos.
La jeune femme avait fait confiance à des amis virtuels, des étudiants avec lesquels elle chattait sur Facebook. Elle les avait laissés l’accueillir à Lagos, sans les soupçonner d’être de dangereux gangsters appâtant leurs proies sur le réseau social.
Côte d’Ivoire: troisième taux mondial de meurtres
Les bilans sont encore plus lourds ailleurs. C’est en Côte d’Ivoire que l’on se tue le plus en Afrique, avec un taux effrayant de 56,9 meurtres pour 100.000 habitants en 2011.
C’est le troisième taux de meurtre du monde, après le Honduras et le Salvador. La Côte d’Ivoire se classe juste avant la Jamaïque, un pays connu pour la violence de ses règlements de comptes.
La crise postélectorale des premiers mois de 2011 y est-elle pour beaucoup? Pas seulement. Le pays battait déjà tous les records de meurtres en Afrique en 2010, alors que les évènements les plus meurtriers de la crise (3.000 morts selon les Nations unies), ne sont intervenus qu’à partir de décembre 2010.
Le chômage des jeunes représente l’une des données du problème. L’instrumentalisation de la violence par les hommes politiques de tout bord, Alassane Ouattara comme Laurent Gbagbo, depuis plusieurs décennies, est aussi en cause.
L’ONUDC fait par ailleurs le lien entre crime, pauvreté et l’inégale répartition des richesses. Les pays d’Afrique affichant les plus faibles indicateurs de développement humain (IDH) et le plus fort coefficient de Gini (qui calcule les écarts dans les revenus) ont aussi un taux de meurtres supérieur à 20 pour 100.000 habitants. Soit deux fois plus que dans les pays d’Afrique ayant un IDH «moyen».
Pauvreté endémique et violences politiques
Voilà pourquoi les meurtres sont aussi nombreux en Zambie (38 pour 100.000 habitants), en Ouganda (36,3), au Malawi (36) et au Lesotho (35,2), alors que ces pays sont censés être en paix.
Le Lesotho, la Zambie et le Malawi ne figurent pas seulement parmi les pays les plus pauvres du monde, avec des PIB respectifs de 1.900, 1.400 et 900 dollars par habitant en 2011.
Ils sont aussi frappés par la pandémie du sida, qui n’est pas sans répercussions sur le niveau de violence.
En Ouganda, les taux de prévalence du HIV ont été maîtrisés, mais la pauvreté persiste, avec un PIB moyen de 1.400 dollars par habitants, sur fond de trafic d’armes et de rébellions sanglantes. Et la police, mal payée et corrompue, passerait plus de temps à traquer les opposants que les criminels.
La vidéo d’une arrestation musclée d’une femme politique, le 20 avril 2012, à Kampala, a provoqué des réactions outrées contre les brutalités policières. Un agent a comprimé le sein droit d’Ingrid Turinawe, présidente de la Ligue des femmes du Forum pour le changement démocratique (DCF).
Six femmes ont ensuite manifesté en soutien-gorge pour protester, avant d’être elles aussi arrêtées…
Parmi les dix pays où l’on se tue le plus en Afrique, viennent ensuite l’Afrique du Sud (31,8), le Congo Brazzaville (30,8), la République Centrafricaine (29,3), la Tanzanie (24,5) et le Soudan (24,2)…
Là encore, le mélange entre pauvreté endémique et violences politiques paraît explosif.
«Il y a du crime partout dans le monde», entend-on souvent dire dans les capitales les plus dangereuses du continent.
Pourtant, ce sont les pays situés au sud du Sahara qui s’avèrent les plus meurtriers au monde, derrière l’Asie et l’Amérique latine, avec des taux particulièrement élevés en Afrique australe (30,5 meurtres pour 100.000 habitants), orientale (21,9) et centrale (20,8), contre 15,4 en Afrique de l’Ouest et seulement 5,9 en Afrique du Nord —pour une moyenne mondiale de 6,9 meurtres pour 100.000 habitants.
Sabine Cessou
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