Passons aux actes …
La santé n’est pas une marchandise c’est un bien précieux. Sa défense est une exigence non négociable
En date du 10 août 2012 le préfet de Martinique a signé un arrêté portant une nouvelle dérogation à l’interdiction de l épandage aérien de six mois et limitée à 20 communes.
La démarche du préfet aboutissant à cet arrêté peut se résumer en quatre points :
D’abord il constate que « les études et essais » visant à trouver des alternatives sont « non aboutis et ne permettent pas d’envisager des solutions de traitement terrestre à court terme » mais de qui se moque-t-on ? On sait que pour trouver des produits chimiques plus doux que ceux utilisés ponctuellement en épandage aérien il faut entre 15 et 20 ans de recherche ; or le lancement des recherches ne date pas de longtemps. A ce rythme, il faut s’attendre à ce que la banane espèrent jouer sur la lassitude, l’essoufflement fait enfin la résignation des défenseurs de la santé.
Ensuite le préfet affirme que toutes le conditions sont réunies pour assurer les épandages aériens (…) dans le respect de l’Environnement et de la santé ».
C’est une formule classique pour dire que les services de l’Etat traitant le sujet se sont référés à des articles du Code du travail concernant « les produits toxiques et très toxiques » comportant des phrases à risque bien déterminées. Dans le cas d’espèce les produits qui nous interpellent sont le Tilt 250 et le SICO dont les principes actifs sont pour le 1er le propiconazole et pour le 2è, le difénoconazole. Pour les fonctionnaires de l’Etat qui selon la fiche technique disposent que les produits en question qui présentent une toxicité avérée ne comportent pas des phrases à risque « pouvant entraîner des effets néfastes sur l’environnement et la santé ». Ces fonctionnaires ne prennent en compte ni le nombre d’épandage réalisé par rapport au nombre toléré, ni la proximité des habitations par rapport aux bananeraies et encore moins les cocktails détonants que peuvent constituer les molécules entre elles ou avec d’autres comme le chloredécone dont on connaît la nocivité sur l’environnement et la santé. En fait le préfet et ses services nient toute évaluation spécifique et complémentaire recommandée par la règlementation. Qu’importe si la valeur toxicologique de référence (VTR) est dépassée dans les communes recevant l’épandage et déjà contaminées par le chloredécone ! On peut donc passer outre les données scientifiques qui attestent qu’en Martinique il y a surexposition de 18,5% des surexpositions de 18,5% des enfants de 3 à 5 ans vivant en zones contaminées par le chloredécone qui est considéré comme une perturbation endocrinienne, classée cancérigène possible pour l’homme.
On peut continuer de nier que près de 2 500 personnes des Antilles françaises seraient exposées au pesticide chloredécone.
On peut mutiler la santé des Martiniquais parce que précisément on se trouve en Martinique, qui se trouve à l’ultra-périphérie de la métropole bananière.
Le préfet poursuit dans un 3è temps en assurant que « les producteurs de bananes ne peuvent pas remplir leur obligation de lutte contre la cercosporiose ».
C’est donc là que le réalisme économique prend le pas sur tout et spécialement sur la santé. Au nom de ce réalisme économique le préfet s’aligne sur l’argumentation de Eric de LUCY et son supplétif Bérard CAPGRAS qui avancent qu’il s’agit de plus de 2 500 emplois directs qui sont en jeu. Entre la sauvegarde des emplois et la protection de la santé ils nous invitent à choisir l’emploi. C’est du chantage et même de l’imposture car en fait une telle comparaison est stupide, ignoble, incorrecte et malhonnête. Car c’est à ce malin jeu que le lobby de la banane se prête depuis 1993 quand on a commencé à révéler que l’usage des pesticides contenant des organochlorés comme le chloredécone était nocif à la santé. En 20 ans combien de travailleurs ont été contaminés ? Combien d’habitants des lieux pollués par le chloredécone ont été tués ? En 20 ans et plus combien de sources ont été contaminées ? Combien d’espaces littoraux, de rivières ont été pollués par le chloredécone ? Tout ceci, Mr le préfet, Mrs les défenseurs invétérés de l’épandage aérien, n’est pas encore comptabilisé.
Tout n’est pas comptabilisable, car les morts par pesticides directement ou indirectement ne sont pas dévoilés et sont interdits de parole.
Décoloniser La Martinique conclusion du préfet se résume à un appel à l’unité : Mr le préfet demande par ailleurs à « l’ensemble des partenaires à poursuivre les travaux engagés pour développer le plus rapidement possible une solution efficace et réaliste de traitement par voie terrestre ».
Qui sont donc ces partenaires ? Sont-ce ceux qui ont déjà été contaminés et qui en souffrent terriblement ? Sont-ce aussi ceux qui seront exposés aux centaines d’épandages à venir ? Sont-ce encore les pourfendeurs de l’épandage ? A vrai dire si on inclue dans le comptage du préfet tous ceux qui viennent d’être énumérés, on verra qu’il y a peu de gens présents à cet appel.
De quels travaux s’agit-il ? Qui contrôlent ces travaux ? D’où proviennent les moyens mis en œuvre pour l’exécution de ces travaux ? Quelle est la part financière des pollueurs ? Quelle est la participation financière des pouvoirs publics ? A-t-on inclu la dépollution des sols par le chloredécone dans ces travaux ? On sait bien que le sol pollué est affaibli biologiquement et son sort se répercute sur la capacité des plantes qu’il supporte à résister aux maladies ; son sort influe aussi sur les nappes phréatiques qu’il abrite tout est lié.
Ces travaux doivent « permettre de développer le plus rapidement possible une solution efficace et réaliste… ; ». Ainsi pour le préfet au-delà de la production bananière il n’y a point de salut pour la Martinique ? C’est encore la vieille politique coloniale que l’Etat continue d’afficher aux Antilles. C’est le Colbertisme : l’ensemble des lois et règlements selon lesquels « la colonie est créée par et pour la métropole ». Il y eu le café, ensuite la canne et il y a la banane. Pas question de faire « des productions qui puissent concurrencer celles de métropole ». En net pas question de diversifier ; tout doit être axé sur la monoculture sous contrôle du représentant de l’Etat colonial ici en colonie et de la « caste béké » qui excelle dans son rôle. La logique colbertiste est une logique capitaliste raciste qui a permis à un groupe racial largement minoritaire de s’agripper aux affaires économiques en Martinique et de rayonner dans la sphère mondialisée en maintenant constamment et habilement sous ses ordres les afro-descendants.
La logique colbertiste précède la logique productiviste affichée par la mondialisation néo libérale. Ce qui compte avant tout c’est le tout-profit issu de la croissance produite à partir de travail et de son intervention sur les ressources naturelles. Un tel schéma se complète par la consommation comme moteur de la croissance.
Au terme de cette analyse, on mesure bien que les dés étaient pipés dès le lancement par le préfet de la consultation publique. Le préfet était sûr de la décision qu’il prendrait. D’ailleurs, il ne pouvait en être autrement puisque son homologue de la Guadeloupe avait, deux semaines avant, donné son accord à l’épandage. Ceci fait avec la bénédiction de Monsieur Victorin LUREL, ministre de l’Outre Mer. Cette manière de maquiller les procédures démocratiques n’est pas nouvelle. On met en place une manœuvre déguisée de la démocratie sans remettre en cause le système économique. Ici la consultation est soumise pendant un mois à l’avis du public dont la prise en compte des remarques sera sans effet puisque le système agrochimique que nécessite la banane pour résister au marché a été d’avance retenu. C’est cela qu’Eduardo GALEANO a appelé la « démocrature » ou encore la dictature démocratique. Un préfet qui agit en gouverneur pour prononcer une décision acquise d’avance mérite bien qu’on lui applique cette notion de « démocrature ».
Toujours dans son rôle de « dictateur éclairé », Mr le préfet va tenter de diviser le peuple Martiniquais en déclarant que la « dérogation à l’interdiction de l’épandage aérien n’est valable que sur 24 communes. Par quel tour de passe ? Par quel pouvoir magique, Mr le préfet arrivera à maîtriser les épandages pour qu’il rassure que 24 communes seront concernées et pas plus. Mr le préfet ignore-t-il que, dans ce petit pays soumis aux alizés, les aérosols peuvent se répandre dans l’ensemble des communes ? Ignore-t-il l’impact des gouttelettes de produit sur le sol, puis dans l’eau et enfin dans la mer ? Les arguments du représentant de l’Etat sont orientés vers la défense du productivisme, un système qui joue la carte de « la dictature éclairée » pour privilégier le réalisme économique. Comme si l’un s’opposait à l’autre ; par contre, la carte de la mort contre la vie est inadmissible.
A la lumière de toutes ces réflexions, il apparaît que sur la santé, Mr le préfet et ses alliés, veulent maintenir le peuple Martiniquais sous tutelle de la banane car pour vous l’alternative à la banane c’est la banane elle-même.
Il faut combattre le monopole colbertiste de la banane par un véritable projet de diversification agricole qui respecte les équilibres écologiques et qui épouse la voie du développement durable et solidaire. Ainsi Les AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) ; les SEL (Système d’Echanges Locaux) ; les Jardins Solidaires ; les JKL (Jadin Koudmen Lyanné)… sont des pistes à creuser pour parfaire le projet.
Il apparaît aussi que l’Etat mise sur notre soumission pour poursuivre la destruction de la santé des Martiniquais.
Nous refuserons de nous soumettre.
Passons aux actes et laissons de côté les mots…
Car trop souvent nous prenons un malin plaisir à chercher ce qui nous divise plutôt ce qui peut nous réunir dans une action contre un ennemi commun.
La santé est le bien le plus précieux que nous ait donné le créateur. Mobilisons nous pour la préserver. C’est une exigence non négociable.
Garcin MALSA,
Maire de Sainte-Anne
Président du MODEMAS
Martinique-Caraïbe