Perdu dans sa réflexion, l’homme continue à regarder autour de lui. La même question passe et repasse dans sa tête :”Comment et pourquoi Haïti est arrivée à ce tournant ?” Décidé de trouver une réponse à cette question, il comprend que la première démarche à entreprendre est de travailler sur sa personne pour devenir un patriote, un citoyen conséquent et honnête. Un nationaliste zélé prêt à faire tous les sacrifices pour le progrès et le développement de son pays.
La première leçon retenue dans le dialogue avec le perroquet : “Mesie, ou kon-nen”. Une simple phrase qui peut remplir le contenu d’un dictionnaire Larousse pour sa définition.Avant cette rencontre, Il était tellement fier de sa personne, et enflé dans son ego qu’il avait décidé d’abandonner le premier cercle de ses amis pour bâtir sa maison dans les hauteurs de Pétion-Ville. Thomassin 48. En effet, son passé de fils d’un commandant de milice qui faisait la pluie et le beau temps sous les Duvalier, ne l’aidait pas après 1986. Son père, après le 7 février, le départ de Jean-Claude, avait pris toutes les précautions pour cacher son revolver et son uniforme kaki bleu afin d’éviter les représailles. En bon élève, une fois il a gagné assez d’argent pour s’offrir une vie de luxe, il abandonnait le quartier de Poste-Marchand pour se réfugier dans les hauteurs où les parvenus riches et les “bourgeois” habitent en Haïti.Là, il se sentait tout à son aise – maison de luxe avec piscine- plusieurs voitures de marque, câble TV, internet, fax machine, génératrice, sécurité privée… Tout en repos dans son paradis, il s’en fichait des problèmes du sous-développement d’Haïti qu’on relate dans les livres. Même la plupart de ses achats, il les faisait en République Dominicaine et parfois même il prenait l’avion pour s’approvisionner à Miami.- A ses pieds, Port-au-Prince, le centre de la capitale, s’étalait comme une vaste plaine où la misère, la prostitution, la promiscuité, la chaleur, l’insalubrité…, bref où tous les problèmes sur la terre trouvent un refuge tranquille et agréable. Il y met les pieds, juste pour son travail et rarement pour se rendre à la plage. Un espace clôturé –Côte des Arcadins- sur lequel il a bâti une villa juste pour passer un week-end au bord de la mer. Renforçant les leçons à la base de son expérience avec son père, de ces nouveaux amis, il a apprit le sens de ce proverbe assez populaire dans le milieu :”Pa jam-m manje kote ou kaka.” Ces gens faisant fortune à la Croix-de-Bossales, mettaient les pieds dans le centre ville juste pour leur commerce et dans l’après-midi regagnaient leur confort dans les hauteurs. Haut Pétion-Ville. Un milieu à partir de maintenant il décide d’abandonner car trop corrompu pour un révolutionnaire. Tout en lui-même, il reconnaît être devenu une autre personne. Aussi bizarre qu’il paraît, en moins de quelques heures, une simple remarque venant d’un perroquet le transforme en l’homme qu’il est maintenant. Un révolutionnaire disposé à connaître pourquoi son pays est arrivé à ce stade. Il est conscient du danger auquel il doit faire face pour changer le monde autour de lui. Car les durs en Haïti ne pardonnent pas la trahison. Avoir été un membre du clan, voilà une autre raison pour mettre sa tête à prix. Mais, plus fort que sa peur; sa détermination de chambarder le système rétrograde qui cause le malheur de tout un peuple en détruisant le futur de toute une génération, forçant des centaines et des centaines de compatriotes à abandonner leur patrie pour venir s’humilier en terre étrangère devient maintenant son but de vivre avant de mourir.
Jean Senat Fleury
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